Avant que les rênes en soient confiées à un David Lynch peu à son aise avec les exigences de la production hollywoodienne, l'adaptation du Dune de Frank Herbert fut d'abord proposée à un Alexandro Jodorowsky qui, on peut s'en douter, dut friser l'hystérie devant ce cadeau tombé du ciel.
Au générique prévu: Giraud (of course), Giger, Dali, Mike Jagger, Pink Floyd, Magma, Orson Wells, David Carradine, Amanda Lear... La vache!
Les studios ont flippé, normal, et nous pleurons tous avec Alexandro la mort de ce projet trop beau pour être de ce monde.
Jodorowsky s'est peut être consolé avec sa Caste des Méta-Barons, puisqu'on y recense tous les poncifs du genre: La transposition de, disons, l'Empire Romain dans un univers de science fiction, l'hérédité et la tragédie familiale, les complots et les batailles épiques.
Jodorowsky est en territoire connu, il ne lui reste plus qu'à saupoudrer ce corpus d'un tout petit peu de sexe et de beaucoup d'auto-mutilations pour obtenir cette saga (parfois) enlevée et bourrée de scènes mémorables.
Le Méta-Baron, dont la personnalité se décline à travers ses incarnations filiales successives, n'est pas seulement une brute hyper-réactionnaire capable de pulvériser une planète en se rasant les sourcils, c'est avant tout un archétype solitaire de la tradition et du conservatisme, un point qui tente de rester fixe dans un univers tiraillé par de constantes révolutions et jeux d'influences. Un monde politique.
Pour la descendance du fondateur de la lignée, l'enjeu est donc toujours de s'adapter et de se perpétuer, à tel point que le sexe est peut être le principal problème de ces héros de saga galactique.
Tout n'est pas toujours au top en 8 tomes d'exercice, et je suis comme d'autres plutôt circonspect quant aux interludes vaguement comiques des deux robots qui assurent la voix off.
Le genre et la forme littéraire qui lui est appliquée - à savoir l'épopée mythique, pour ne pas dire islandaise - n'épargne pas au lecteur certaines redondances d'un tome à l'autre, mais cette intention fait sens si l'on veut bien considérer cette histoire comme celle d'un seul et unique personnage tragique, dont chaque incarnation décline une facette particulière qui vient s'additionner au patrimoine génétique de la caste.
Gimenez est un artisan assez classique, dont le travail de composition et de mise en page restent plutôt descriptifs et ne débordent jamais le cadre du récit.
C'est comme toujours affaire de goût, mais j'apprécie pourtant son trait réaliste et ses encrages charnus, en tout cas dans ce scénario qu'ils accompagnent de manière convaincante, notamment à travers les scènes de bataille particulièrement épiques qui le jalonnent.