Avec La Cité des eaux mouvantes (1970), Pierre Christin et Jean-Claude Mézières inaugurent la série Valérian et Laureline avec un cocktail intrigant de science-fiction, de dystopie, et de satire sociale. Entre des voyages temporels périlleux, des poursuites haletantes dans un New York inondé, et une Laureline qui brille par son absence (on y reviendra), cet album pose les bases d’un univers riche mais encore en rodage.
L’histoire commence avec Valérian, agent spatio-temporel chargé de récupérer une arme dangereuse volée par un scientifique véreux, Xombul. Sa mission le mène dans un New York post-apocalyptique en 1986 (oui, dans le futur… pour l’époque), où la montée des eaux a transformé la ville en marécage peuplé de survivants aux motivations douteuses. L’intrigue oscille entre enquête, action, et explorations, avec un soupçon d’humour noir.
Valérian, dans ce premier tome, est encore loin d’être l’agent charismatique et complexe que l’on découvrira plus tard. Il fait son job, certes, mais il manque un peu de profondeur et de personnalité, oscillant entre héros classique et simple rouage narratif. Laureline, quant à elle, n’apparaît que dans la deuxième partie de cette histoire en deux tomes, ce qui prive le récit de la dynamique savoureuse qu’elle apportera à la série.
Visuellement, Mézières fait un travail remarquable pour l’époque. Les décors de New York inondé, avec ses gratte-ciel à moitié engloutis et ses habitants rustiques, créent une ambiance unique et immersive. Les scènes d’action, qu’il s’agisse de courses-poursuites en bateau ou d’affrontements dans les ruines, sont dynamiques et bien construites, même si le style visuel manque encore un peu de la finesse qu’il gagnera dans les albums suivants.
Narrativement, Pierre Christin pose les bases d’une série ambitieuse. L’idée d’explorer des dystopies temporelles est fascinante, et l’humour subtil qui traverse l’histoire adoucit le ton parfois sombre. Cependant, le récit souffre d’un certain manque de fluidité, avec des transitions abruptes et des personnages secondaires qui peinent à se démarquer. Xombul, en particulier, reste un antagoniste assez générique dans ce premier opus.
L’humour et la critique sociale sont néanmoins des points forts. Les interactions entre Valérian et les survivants de New York, notamment Sun Rae et ses complices, apportent une touche satirique sur la survie dans un monde en ruines. Cette légèreté contraste efficacement avec l’atmosphère sombre du cadre post-apocalyptique.
En résumé, La Cité des eaux mouvantes est une introduction prometteuse mais imparfaite à l’univers de Valérian et Laureline. Si l’histoire manque encore de la profondeur et de la finesse des albums suivants, elle pose des bases solides avec un univers visuel riche et une intrigue qui mêle action, science-fiction, et réflexion sociale. Une première immersion intrigante, mais il faudra attendre que Laureline vienne pimenter le tout pour vraiment décoller.