La Colline aux coquelicots par Ninesisters
Je vais commencer par répondre à la question qui fâche : non, ce manga ne serait jamais sorti en France si les studios Ghibli n’avaient pas décidé d’en produire une adaptation. Adaptation distribuée en France par Buena Vista, donc avec une excellente visibilité. Une comédie romantique du début des années 80, avec un graphisme symptomatique de l’époque et signée par des auteurs inconnus, jamais un éditeur comme Delcourt n’aurait pris le risque sans cette publicité gratuite. Après, que les responsables d’Akata (alors chargés de constituer le catalogue manga de Delcourt) aient réellement voulu publier ce titre en raison de ses qualités, je veux bien le croire. Ils auront profité de la notoriété du studio Ghibli pour imposer ce choix auprès de l’éditeur, joignant ainsi l’utile à l’agréable.
Mais posons-nous cette autre question : ce titre méritait-il seulement une telle sortie ? Et là, franchement, j’en doute.
Pour plusieurs raisons. Déjà, car il met énormément de temps à démarrer, à poser ses enjeux, etc… L’édition française correspond à un volume double, mais il faut en arriver presque à la moitié pour que la machine se lance pour de bon. Avant d’y accrocher, il a fallu que je m’y reprenne par deux fois.
Ensuite, ce manga nous a été vendu comme un titre progressiste, sur les changements qui accompagnèrent le Japon au début des années 80 (c’est ce qu’indique la 4ème de couverture), ce qu’il n’est pas du tout. Le seul point anti-conformiste – le coup des uniformes – apparait pour de mauvaises raisons, et finit en eau de boudin. Pour le reste, La Colline aux Coquelicots propose une romance basique en milieu scolaire, dont le seul élément un tant soit peu original nous mène finalement à une révélation à ce point convenue, que même TF1 en aurait interdit le recours dans ses téléfilms.
Soyons honnêtes, La Colline aux Coquelicots n’est absolument pas un mauvais manga. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. J’ai pour ma part un faible pour le style graphique de l’époque, encore ancré dans les années 70, et j’ai trouvé l’héroïne rayonnante et touchante à la fois, une personnalité forte comme j’aime en trouver dans les comédies romantiques. Mais justement, en parlant des années 70, autant celles-ci ont la réputation (en France) d’avoir produit de grands shôjo dramatiques comme Très Cher Frère et Le Cœur de Thomas, autant la décennie suivante semble surtout marquer un retour aux petites histoires du quotidien. Et ça, ce manga ne le montre que trop bien, d’où cette impression de lire un récit des plus convenus. Comme mentionné tantôt, son seul élément dramatique est désamorcé à la fin par une pirouette scénaristique presque consternante, là où d’autres auteurs l’auraient assumé jusqu’au bout. Pour être franc, cette révélation s’avère même à ce point parachutée qu’elle plombe un peu ce manga au demeurant fort plaisant, même s’il lui faut du temps pour se mettre en place.
Après coup, j’en viens quand même à sérieusement me demander si ce manga ne doit pas sa sortie française qu’à son adaptation. En effet, il se laisse lire sans forcément de déplaisir – même si son début est laborieux et sa fin décevante – mais n’a pas pour autant de véritables arguments à faire valoir. Seul son dessin témoigne de l’époque à laquelle il fut écrit, et il ne bénéficie pas forcément du ton propre aux comédies romantiques du début des années 80 – que nous retrouvons dans Commet ne pas t’aimer – qui manque cruellement en France et qui pour le coup représenterait un véritable argument de vente.
La Colline aux Coquelicots n’apparait que comme une comédie romantique de plus, qui ne se démarque que grâce à son graphisme. Lequel, daté, ne plaira pas à tout le monde.