La Favorite de Matthias Lehmann, c’est un peu comme une chanson douce avec des paroles qui parlent de poison. Une chronique familiale en noir et blanc qui t’entraîne dans les méandres d’un secret si bien gardé qu’il suinte pourtant à chaque page. Oublie les querelles pour le dernier gâteau au dîner dominical, ici, on est dans un autre registre : celui où l’amour, la culpabilité et les non-dits dansent un ballet tragique.
L’histoire suit Séverine, une jeune femme vivant sous la coupe de sa grand-mère, une figure à la fois protectrice et oppressante. C’est le genre de relation où le gâteau du dimanche cache un goût amer de contrôle et de mensonges enfouis. Séverine, enfermée dans cet univers étouffant, va peu à peu lever le voile sur des vérités bien plus sombres que la tapisserie jaunie du salon familial.
Visuellement, Matthias Lehmann joue avec le noir et blanc comme un maître. Chaque ombre semble cacher un spectre, chaque espace vide résonne d’un silence lourd. Son trait, à la fois minutieux et expressif, crée une atmosphère où l’ordinaire se pare d’une inquiétante étrangeté. La maison, les objets du quotidien, tout devient un personnage à part entière, porteur de souvenirs et de malaises latents.
L’écriture est tout aussi captivante. Lehmann dose l’introspection et les dialogues avec précision, jouant sur le non-dit et les regards pour distiller une tension presque insoutenable. Le rythme est lent, mais c’est une lenteur qui colle à l’histoire, qui te fait sentir le poids des années et des secrets accumulés. Chaque page est une montée progressive vers une vérité que tu sens venir, mais que tu redoutes.
Le vrai génie de La Favorite, c’est sa capacité à t’immerger dans une ambiance à la fois intime et universelle. Les questions qu’il pose – sur la famille, l’identité, le poids des relations toxiques – résonnent bien au-delà de son cadre. Et même si le récit est ancré dans un contexte précis, son pouvoir émotionnel est intemporel.
En résumé : La Favorite est une œuvre sombre, élégante et poignante, où Matthias Lehmann explore les zones grises des relations humaines avec une sensibilité désarmante. Entre le dessin magistral et le récit tout en nuances, c’est une plongée dans les tréfonds de l’âme humaine qui ne te laissera pas indemne. Une claque silencieuse, mais retentissante.