La Femme insecte
7.4
La Femme insecte

Manga de Osamu Tezuka (1970)

Encore un avatar de la veine sociale bien sombre de Tezuka. Ce roman graphique date de 1970, ce qui se ressent dans l'esthétique (les voitures, les coiffures). Il suit une jeune femme qui semble "absorber" le talent de gens, qui ensuite disparaissent tragiquement. Parfois, elle revient dans une maison abandonnée, où se trouve la statue d'une vieille femme souriante. Elle cesse alors d'être une arriviste froide et dangereuse pour se comporter comme un bébé (elle se prélasse nue). Il y a de nombreux indices qui feraient pencher l'histoire du côté du fantastique : quelles sont les origines de cette femme ? Est-elle seulement humaine ? Ne s'agit-il pas d'un alien, ou d'un insecte ayant pris des traits d'humain, comme le ferait penser le titre ?


Toute une galerie de personnages côtoient cette femme et s'y brûlent les ailes : un directeur de théâtre que son amour aveugle jusqu'à l'autodestruction ; un jeune graphiste dans le coeur duquel elle laissera une blessure béante ; un journaliste ; un tueur anarchiste (allusion aux "années de plomb") ; un homme d'affaire qui veut mettre la main sur un conglomérat japonais de l'acier avec l'appui d'un banquier et d'un député ; un photographe de mode. Ces personnages ont des rapports de destruction les uns avec les autres. On voit des rouages de la politique japonaise de l'époque (le rapport à la Corée du Sud, l'ouverture progressive de la Chine, la corruption, la superficialité de la société...). Tezuka se veut comme un entomologiste.


Viol, meurtre, cruauté mentale, avortement, rapports de domination, jeu sur la culpabilité, liaison saphique : ce n'est clairement pas un manga pour la jeunesse, malgré son graphisme. C'est tout de même moins sombre qu'Ayako, mais fichtre, on n'en sort pas en sautant de joie.


On pourra reprocher une fin un peu rapide, qui laisse beaucoup de questions sans réponse, mais c'est le voyage qui était important. Disons qu'une partie des intentions initiales semble s'être un peu perdue en route. ça ne veut pas dire que le trame narrative soit brouillonne : elle est imprévisible, et c'est au fond ce qui fait sa force. Disons que l'auteur visait plusieurs cibles à la fois.


Graphiquement, beaucoup de recherches, avec des motifs un peu seventies, et des effets de distorsion de l'image. Les décors sont réalistes et froids, ancrés dans la culture matérielle de leur époque, mais le découpage des cases est très dynamique et souvent audacieux. C'est vraiment du beau travail.

zardoz6704
8
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le 1 nov. 2017

Critique lue 254 fois

zardoz6704

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