Linda poursuit son initiation dans les domaines mouvants de l'Inconscient. La descente jubilatoire, comme sur un toboggan, en direction de la forêt, bleue comme la mer, se fait sur un sol indistinct mais d'un vert tendre et lumineux auquel les roux-bruns dominants ne nous avaient pas habitués. Point de doute : il y a plaisir à descendre, à retourner vers les strates les plus basses, les plus archaïques, les moins conditionnées de la personnalité. La question du déconditionnement socio-culturel (y compris parental) est d'ailleurs le sujet des questionnements de Linda page 13.
Enfermées dans la rigidité verticale et la pétrification de leur château fortifié, la Reine-Mère (modèle possible pour la petite fille) et la névrosée bloquée sur ses déceptions qui la condamnent à un ressassement perpétuel et à une solitude déprimante (autre option possible - ne pas oublier que Linda cherche ses vrais parents, donc qu'elle est en situation de frustration), ces deux personnages raidis et mornes tiennent sous leur autorité des forces alliées de Linda (dont Grénor), avec lesquelles elles arrivent difficilement à communiquer (la question du langage est posée page 41).
La Reine-Mère et la névrosée, constatant qu'en entrant dans la Forêt de l'Oubli, Linda risque de leur échapper, en sont réduites à invoquer un spectre décharné, le Krâs, qui représente le vieillissement et la dégradation ("cras", en latin, signifie "demain" : ce que nous serons demain). Le Krâs cherche à asservir Linda aux logiques du Temps qui use, mais Linda lui échappe en plongeant dans un torrent : la purification par la noyade rituelle permet de renaître à une autre vie, et, dès qu'elle sort de l'eau, Linda apparaît comme un peu plus grande.
Elle se heurte ensuite aux différents miroirs qui lui renvoient chacun l'une des potentialités illusoires qu'elle pourrait incarner. A travers des souterrains et des portions de forêt dont les branches lui obstruent le passage, Linda parvient subitement à l'Arbre Primordial où l'attend son double. Le souvenir qui lui revient alors est celui de sa personnalité première, sauvage, animale, nue (les ronces qu'elle a traversées ont "complètement déchiré" sa robe, symbolisant les enveloppes socio-culturelles à abandonner).
Elle retrouve ses souvenirs : recueillie par Grénor qui la confie à des animaux, elle a grandi sauvage et nue. Décidément, elle n'est pas une princesse. Ses vrais parents l'attendent, et la mère est la névrosée, guérie de ses frustrations. Le passage par l'eau ayant homogénéisé la personnalité (dissolution), les anciennes contraintes et tensions se sont liquéfiées, et des relations vraies sont désormais en mesure de s'établir.
Morale : méfiez-vous des doudous comme Mingo ! La compagnie d'un esprit-guide peut vous restituer à vous-même, est cela peut se révéler mouvementé !