J'ai toujours gardé en mémoire mon ressenti, lorsque j'ai ouvert pour la première fois ce tome d'ouverture des "Passagers du vent" et que j'ai découvert le dessin de François Bourgeon. Parce qu'il y a dans ce dessin quelque chose d'à la fois fort laid et très beau, provoquant chez le lecteur un mélange de répulsion et d'irrésistible attraction. Pour un dessin qui semble si laid de prime abord, il présente l'étrange qualité de savoir parfaitement sublimer le personnage d'Isa et ses formes féminines. Ce dessin, on en vient à l'aimer au fil des pages. Il est si caractéristique, parfois même choquant dans le traitement des personnages, mais on s'y habitue vite et il nous permet d'apprécier pleinement l'histoire.
Et quelle histoire ! L'horreur de l'histoire d'Isa, sa relation naissante avec Hoël, et à nouveau l'horreur, celle de la bataille navale, sanglante et sans pitié. Le scénario est excellent, les personnages bien construits. La relation ambiguë entre Isa et Agnès est très bien traitée. Le tout est servi par un ensemble de dialogues très percutants. Au niveau de la forme, les textes sont certes un peu maladroitement calligraphiés (la taille se réduit d'ailleurs au fil des pages et finira par se stabiliser dès le second album), mais ce n'est vraiment qu'un reproche minime à faire à cet album.
Non, vraiment, dans l'ensemble, une bande dessinée impressionnante.