Ce tome fait suite à Invincible T23: Futur decompose (épisodes 127 à 132) qu'il faut avoir lu avant. Il s'agit de l'avant-dernier tome de la série qu'il est préférable d'avoir commencée au premier tome pour en savourer toutes les finesses. Il contient les épisodes 133 à 138, initialement parus en 2017, écrits par Robert Kirkman, dessinés par Ryan Ottley. L'encrage a été réalisé par Ottley pour les épisodes 133 à 136, et les pages 1 à 8 de l'épisode 137, et par Dexter Vines pour les pages 9 à 20 de l'épisode 137 et pour l'épisode 138. La mise en couleurs a été réalisée par Nathan Fairbairn.


Une cérémonie funéraire se déroule à la capitale sur la planète Talescria : des funérailles nationales. Le cortège est accompagné tout du long par la population silencieuse, présente tout le long du parcours. Finalement, le cercueil arrive au crématorium, pour que les cendres rejoignent les étoiles. Le Grand Allen présente ses excuses à Mark Grayson. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase, et devant toute la foule, Mark attaque physiquement Allen. Les deux s'envolent rapidement, et le combat se poursuit dans le ciel, sans crainte de mettre en danger des civils. Au bout de plusieurs minutes, Samantha Wilkins finit par s'interposer, et par les séparer. Allen s'arrête immédiatement et se tient à l'écart. Samantha continue par dire ses quatre vérités à Mark, et s'en prend même physiquement à lui. Elle finit par dire qu'elle regrette autant que Mark le décès de leur proche. Au sol, dans la foule, Nolan et Deborah gardent Terra, aux côtés de Haluma. Allen les rejoint et se pose doucement, s'excusant pour l'esclandre.


Terra s'approche d'Allen et lui demande pourquoi il se battait avec son père. Allen lui explique que Mark est énervé, mais qu'il se calmera sûrement rapidement. Puis elle lui demande pourquoi il a du sang autour de l'œil. Il explique que son œil est très sensible, et il se souvient bien de la fois où Terra lui avait enfoncé le doigt dans l'œil, ce qui s'était avéré très douloureux. Il a l'impression d'ailleurs qu'elle s'apprête à recommencer et il lui demande poliment de ne rien en faire. Elle s'excuse. Loin au-dessus de la rue, Samantha et Mark se sont assis sur le rebord d'un étage d'un gratte-ciel. Ils discutent calmement de la situation. Mark lui redit qu'il a pris conscience qu'il n'est pas un héros, qu'il n'essaye plus d'être un héros, et qu'il a la ferme intention de tuer le meurtrier du défunt. Samantha lui répond qu'elle comprend parfaitement et qu'elle a bien l'intention qu'ils le tuent, tous les deux. Mais avant de se lancer dans cette vengeance, elle formule une exigence non négociable. Le soir, Allen discute avec son épousé Telia. Il rentre dans le détail de ce qu'il a fait, de sa responsabilité dans la mort de celui qu'on vient d'enterrer. Pour Telia, il n'y a qu'une seule chose à faire.


C'est trop dur ! C'est insoutenable ! Comment peut-il déjà s'agir de l'avant-dernier tome de la série ?!? Certes les meilleures choses ont une fin, mais pourquoi cette série ??? Le lecteur se doute bien quelle direction va prendre le récit. Il reste deux ennemis à abattre, enfin deux individus avec lesquels il reste des comptes à régler. Il y a Thragg dont l'objectif exclut toute possibilité de coexistence pacifique, de compromis, et il y a la situation sur Terre. Le scénariste en donne pour son argent en ce qui concerne Thragg, et le lecteur suppose que le retour sur Terre sera évoqué dans le dernier tome. Il est en droit d'espérer que Kirkman va y aller à fond et il n'est pas déçu. Fini de prendre des gants (façon de parler parce qu'Invincible porte bien les siens, et parce que la série n'a jamais pris de gants) : il y a des problèmes à régler, et les personnages ne font pas semblant. Thragg a mis à profit le temps qu'il lui a été alloué et il est prêt : il conquiert les planètes une à une, reprenant certaines où les viltrumites avaient été mis en déroute. Il porte toujours sa superbe fourrure, la dépouille de Thokk, toujours représentée dans le détail, avec des dessins donnant une bonne idée de son épaisseur imposante. Thragg lui-même est massif à souhait, violent, brutal, sans pitié. Il faut voir l'expression de son visage alors qu'un assaillant se brise les phalanges en lui assénant un coup de poing sur le crâne : Thragg assume pleinement les valeurs des viltrumites, et ressent une grande fierté à se montrer le plus dur possible, le plus impitoyable en appliquant la loi du plus fort au pied de la lettre. Ce sont de véritables armées qui se font face et Ottley ne ménage pas sa peine pour dessiner des dizaines de combattants.


Comme d'habitude, les auteurs ne sacrifient pas la caractérisation des personnages au profit de l'action. Avant que la grande bataille ne s'engage, il y a donc cet enterrement. Ils montrent à quel point la mort de ce personnage de premier plan affecte les autres, à quel stade du deuil ils en sont, comment ils vont utiliser l'énergie négative associée à cette perte irréparable. Chacun est affecté à sa manière, en fonction de sa relation personnelle avec le défunt, de l'histoire de ladite relation, de son âge aussi. Comme à son habitude, Ryan Ottley accentue un peu les expressions de visage pour bien faire transparaître l'intensité de l'émotion qui habite chaque protagoniste. Le lecteur est affecté par la colère et le ressentiment de Mark vis-à-vis d'Allen, puis de Samantha vis-à-vis d'Allen, mais aussi d'Allen vis-à-vis de lui-même. Pour le coup, Kirkman n'en rajoute pas : il est plutôt dans un registre en retenue du fait de l'énormité de la culpabilité qui pèse sur chacun. L'artiste se montre tout aussi habile à transcrire d'autres émotions, y compris les plus subtiles. Alors qu'Allen tient Terra dans ses bras, il est évident qu'il souhaite se montrer le plus affectueux et rassurant possible : il suffit de regarder son visage. La mise en page est simple : une case de la hauteur de la page sur la partie gauche, 4 cases les unes au-dessus des autres sur la partie droite, des gros plans sur les têtes de Terra & Allen. Le lecteur peut voir la tentation irrésistible dans les yeux de Terra. Une planche parfaite.


Tout au long de ce tome, le lecteur savoure de tels moments d'intimité, ou de relation interpersonnelle d'une justesse extraordinaire : la douleur émotionnelle de Mark et de Samantha du fait de la perte d'un être cher, le remords insupportable d'Allen la gêne de Telia après avoir prononcé une phrase maladroite, la franche moquerie de Terra devant les costumes de superhéros d'Atom Eve et Invincible (un beau moment d'autodérision de la part de Kirkman), la détermination enfantine de Terra à se montrer forte, l'incapacité d'Ursaal à concilier l'amour familial et le comportement de son père, la réelle tendresse d'Anissa pour son époux. Progressivement, le lecteur mesure toute l'étendue de cet univers, toute la profondeur des personnages et de leur histoire, le degré élevé avec lequel les auteurs leur insufflent une vie réelle, les font exister bien au-delà de simples artifices narratifs ou de jolies couleurs dans les bordures d'une case. Même s'il ne cautionne en rien les actions de Thragg, le lecteur ne peut pas s'empêcher de l'admirer pour a détermination, sa force, sa stratégie, son efficacité brutale et radicale. Mince ! C'est déjà l'avant-dernier tome, et le lecteur éprouve déjà une sensation de perte irréparable à l'idée de ne bientôt plus revoir ces personnages.


Les auteurs sont encore plus conscients que le lecteur qu'il ne reste plus qu'une poignée d'épisodes et ils ont fait en sorte de lui en donner (encore plus) pour son argent. L'heure de la grande bataille finale a sonné et les auteurs font péter le budget. Le lecteur sourit en voyant les scènes iconiques : Allen, Nolan Grayson, Invincible et Atom Eve s'élançant en avant vers le lecteur dans un dessin en double page, Invincible et Atom Eve ayant réendossé leur costume original. C'est cadeau et c'est magnifique : ils donnent au lecteur ce qu'il attend. Kirkman s'est montré sans pitié avec Ottley sur le plan de la narration visuelle : dessins en double page et quantité de personnages à effrayer un dessinateur moins courageux. Ottley avait laissé la place à Cory Walker pour les 6 épisodes précédents, et le lecteur voit à chaque page qu'il a mis ces 6 mois à profit. La narration est d'une fluidité exemplaire. À partir de l'épisode 135, le massacre commence : Thresha met beaucoup de cœur à l'ouvrage à libérer le peuple d'une planète, quitte à en tuer quelques-uns. Nathan Fairbairn sort un rouge un peu foncé pour le sang. Quelques épisodes plus tard, Invincible et Allen sont littéralement couverts du sang de leurs ennemis de la tête au pied. La série a déjà été très gore avec une violence sanguinolente et cet aspect-là de la narration visuelle est de retour. Les combats physiques, ça tâche. À partir de l'épisode 136, les armées investissent les champs de bataille et l'artiste se retrouve à représenter des dizaines de combattants à plusieurs reprises dans un même dessin, voire plus d'une centaine dans une double page de l'épisode 136. Kirkman s'est lâché, sans aucun égard pour le temps nécessaire pour réaliser un tel visuel, et Ottley se montre à la hauteur sans faillir une seule fois. C'est énorme ! Le lecteur observe également le retour de pages à 16 cases, un écho d'un passage précédent, et là encore Ottley ne s'économise sur rien, une richesse visuelle extraordinaire.

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le 26 août 2020

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