La fin du monde (encore), une bagarre homérique contre l’Entité Noire (encore) et … la fin du Donjon.
Les faits relatés dans La fin du Donjon se déroulent en parallèle de ceux décrits dans Haut-Septentrion (DC110), mais sont présentés sous un autre angle de vue. Alors que les événements de Haut-Septentrion sont vécus par le prisme de Marvin Rouge (en charge dans cet album de veiller sur les Objets du Destin et de les tenir à distance de la convoitise de l’Entité Noire), ceux de La fin du Donjon sont perçus par le duo Herbert / Roi-Poussière, qui tentent dans cet album de trouver discrètement le point faible de l’Entité Noire pendant que celle-ci est aux prises avec l’armée des Nouveaux Centurions et leurs alliés. Nous avons donc droit à un album qui se déroule dans la même ambiance que Haut-Septentrion, à savoir une ambiance totalement apocalyptique de fin du monde avec des héros usés poussés dans leurs derniers retranchements, un monde à l’agonie, des événements tragiques, de la mélancolie, du désespoir, de la tension (le duel Herbert / Roi-Poussière en fin d’album, outch !) et une guerre épique dont l’issue décidera du sort du monde. Bref, un album qui se déroule dans une atmosphère noire et pesante parfaitement représentative du cycle Donjon Crépuscule ! Evidemment, Donjon ne serait pas Donjon si tout ça n’était pas entrecoupé de bons mots et de blagues potaches et/ou scato, qui font que l’équilibre entre action héroïque et humour déconnant est quasi-parfait.
Mais il y a en plus dans La fin du Donjon une émotion absente de Haut-Septentrion. En se focalisant sur le duo Herbert / Roi-Poussière (soit le duo originel de la saga), Sfar et Trondheim nous offrent plusieurs passages touchants (comment ne pas être touché par les retrouvailles entre Herbert et Zongo au Pays des Morts ?), empreints d’une douce mélancolie, la même qu’on avait tant aimé dans Le cimetière des dragons (et quasiment plus jamais retrouvé par la suite), premier tome de la sous-série Donjon Crépuscule. C’est ce supplément d’émotion qui fait de La fin du Donjon un tome éminemment attachant – presque bouleversant – d’autant que les trois dernières pages de l’album offrent une conclusion magistrale à l’ensemble de la saga, pleines de justesse et de mélancolie.
Pour illustrer cet album très à part dans la saga, Sfar et Trondheim ont de nouveau fait appel à leur ami Mazan, déjà convié en 2001 pour dessiner Jean-Jean la Terreur, premier tome de la sous-série Donjon Monsters. Evidemment on retrouve avec bonheur ce trait si fin et distingué qu’on avait tant aimé dans Jean-Jean la Terreur, mais qui a évolué (ce qui est normal, presque quinze ans après !) pour aboutir à un dessin aux contours moins nets, avec un encrage moins marqué. Le dessin de Mazan, très personnel, donne au final une sensation de flou, de fragilité, qui correspond bien à l’ambiance de ce tome, où tout un pan du monde s’écroule.
En résumé, La fin du Donjon est un album en tous points excellent, qui conclue magistralement l’arc « Entité Noire » de la branche Donjon Crépuscule. Et si on ajoute que cet album doit se lire en parallèle de Haut-Septentrion pour pouvoir saisir toutes les subtilités du scénario, on peut dire sans hésiter qu’il s’agit bien là d’un des meilleurs albums de la saga.