La frontière de la nuit est le dernier épisode en date des aventures de Largo Winch paru en librairie. Il s’agit du fruit de la collaboration entre l’historique dessinateur Philippe Francq et le scénariste Eric Giacometti. Ce dernier a succédé au légendaire Jean Van Hamme depuis trois tomes maintenant. La couverture présente un Largo endormi en position fœtale. Il semble flotter en apesanteur.
Cette illustration est une belle introduction aux premières pages de l’album. On y retrouve notre héros assoupi dans une capsule spatiale. Lorsqu’il entrouvre les yeux, il se rend compte qu’il n’a jamais été aussi éloigné du plancher des vaches. Cette scène marque l’immersion du milliardaire dans un domaine encore inexploré. L’histoire se construit autour de la comparaison entre le groupe W et Manskind. Le premier est présenté comme « un gardien de musée de la vieille économie » et le second opère dans les nouvelles technologies, internet, le luxe et le spatial. L’affrontement entre les deux entités se concrétise autour du rachat potentiel d’un des leaders de l’industrie spatiale. À travers cette démarche, Largo a la volonté de faire une entrée remarquée dans ce marché du futur.
Parallèlement, une autre intrigue se met en place. Suite à une inspection sur un site d’extraction d’étain, Winch réalise que son groupe abrite des structures qui exploitent des enfants dans des conditions insupportables. Cette affaire est résolue de manière efficace et spectaculaire. Néanmoins, il semble que tout ne soit pas si simple. Le journaliste a l’origine de la mise en lumière de cette situation possède des informations dérangeantes. Quel en sera l’impact sur le groupe W ?
Une nouvelle fois, l’histoire se construit sur plusieurs tomes. *La frontière de la nuit* en est la première partie. Je trouve la mise en place assez efficace. Les thématiques sont intéressantes. Le pan spatial possède a priori plus d’ampleur que celui de la mine d’étain. Pourtant l’intensité dramatique de ces deux aspects narratifs est inversement proportionnelle, de mon point de vue, à leur attrait potentiel. Je trouve que le couple Manskind manque de charisme et d’intérêt. Malgré leur richesse et leurs innovations, je n’ai le sentiment qu’ils soient un adversaire de taille pour Largo. A contrario, les zones d’ombre qui entourent l’enquête sur les mines d’étain éveillent davantage ma curiosité.
Comme à son habitude Philippe Francq offre des illustrations de qualité. Elles accompagnent parfaitement le déroulé des événements. On pourra toujours regretter que les femmes se ressemblent toutes d’un album à l’autre. Mais il s’agit finalement d’un des marqueurs de la série… Je trouve le travail sur les décors intéressants. Son souci du détail dans tant les zones urbaines, forestières ou désertiques est un atout favorisant l’appropriation de l’histoire par le lecteur.
Pour conclure, La frontière de la nuit est un tome qui s’inscrit dans la continuité des précédents en termes d’intérêt. Son atout principal est la thématique et la nature des enjeux. Ses faiblesses sont le manque de charisme des Manskind et une narration qui manque parfois de rythme. Je pense néanmoins qu’elle offrira une lecture agréable aux adeptes fidèle des pérégrinations du milliardaire en jeans…