Ce tome est le quatrième de la série ; il comprend 25 épisodes de 4 page, et 1 de 3 pages. Il s'agit d'une histoire parue initialement sous un format hebdomadaire dans un magazine de bandes dessinées anglais, au début des années 1980. Il contient également une introduction de 2 pages de Tariq Goddard (auteur de plusieurs romans de guerre), 5 pages de texte avec photographies sur la bataille de Verdun, ainsi qu'une page de résumés des 3 tomes précédents, et 5 pages de commentaires (avec illustrations) de Pat Mills en fin de volume.
Les 2 premiers épisodes apportent une résolution à la destruction de l'usine dans laquelle travaillait la mère de Charley. Dans l'épisode suivant, le frère de Charley se rend dans un bureau militaire pour s'engager. Tous les épisodes suivants sont consacrés à l'histoire de Blue. Il s'agit d'un engagé volontaire dans la Légion Étrangère française. Il est de nationalité anglaise. C'est un déserteur qui se retrouve à Londres et qui est traqué par la police militaire. Par un concours de circonstances, il va être recueilli par Charley Bourne et il va lui raconter son histoire en attendant que la police abandonne les fouilles dans le quartier. Il explique qu'il faisait partie des soldats en place à Verdun lors de la bataille de 1916. Dès son arrivée par la seule route y menant, Blue est soumis au feu de la mitraille : les soldats disposent de 90 secondes entre 2 tirs de barrage allemand pour rejoindre le fort. Blue va alors raconter les différentes phases de la bataille telles qu'il les a vécues.
Les 3 premiers épisodes apportent une fin au récit du bombardement nocturne par les zeppelins, ainsi qu'une note aussi noire qu'ironique pour le personnage de Blind Bob. En seulement quelques pages, Pat Mills réussit également à faire réagir Charley à la manière dont les informations (diffusées dans une salle de cinéma avant le film) relatent la Bataille de la Somme, et l'influence de ces reportages orientés sur les jeunes bientôt en âge de s'engager. Joe Colquhoun réussit de très beaux visuels que ce soit la carcasse métallique d'un zeppelin, ou la marquise d'un cinéma.
Puis la narration change de ton, en changeant de personnage principal. Pat Mills explique dans la postface qu'il souhaitait montrer que les soldats français étaient en première ligne durant cette guerre et qu'ils avaient payé l'un des plus lourds tribus en termes de morts et de souffrances. Le récit revient donc à une guerre de tranchée, avec quelques places fortes à défendre. La longue litanie des horreurs recommence : les barbelés, la boue, les exécutions sommaires, les missions suicides obligatoires, le gaz empoisonné, le retour au combat avant que les blessures ne guérissent, la récupération de matériels sur les morts, etc. Il s'en ajoute de nouvelles, telle que l'absence de ravitaillement en eau (un passage difficile à soutenir tellement il est bien rendu) et les bagarres entre soldats d'un même camp, entre 2 engagements sur le terrain. Ce type de conflits entre légionnaires se termine par une justice sommaire et expéditive, encore un passage horrible. Colquhoun ne se complaît pas dans le gore, il ne dessine pas en détail la plaie et les blessures. Mais ça n'ôte rien à la force de suggestion de ses illustrations. Lors de cette punition, un légionnaire est entravé pour que 2 de ses compagnons d'arme puissent le mutiler du fait de la gravité de sa faute. Colquhoun ne montre pas le point d'impact, mais il montre la détermination sauvage et implacable des bourreaux sur le visage, il montre la rage du condamné, il montre la sauvagerie de ces actes avec une force de conviction redoutable.
Colquhoun fait toujours montre de la même intelligence pour mettre en scène les combats dans les tranchées et les explosions d'obus, sans que le lecteur n'éprouve une sensation de redite ou de répétition visuelle. Toutefois certaines planches semblent avoir été reprographiées à partir d'originaux manquant de nuances dans les contours des aplats de noir ce qui crée une sensation d'étouffement du dessin, de perte de netteté. En termes de narration, le choix de Pat Mills l'oblige à rappeler en début de chaque épisode (soit toutes les 4 pages) que Charley est en train d'écouter Blue (un vétéran de Verdun) lui raconter son histoire. Ça alourdit significativement la lecture. Le niveau d'empathie du lecteur diminue également un peu. Autant elle était de fait pour Charley Bourne (individu courageux et ordinaire), autant elle est amoindrie par le fait que Blue est un soldat professionnel, très aguerri. Bourne incarnait l'homme ordinaire plongé dans un enfer qu'il ne soupçonnait pas ; Blue est un professionnel qui s'est engagé. Bien sûr, son statut n'atténue en rien les horreurs qu'il subit, mais il diminue la possibilité de projection du lecteur sur ce soldat très fort, très entraîné, très belliqueux. Il rapproche également un peu la série de récits de guerre plus classiques.
Malgré le changement de personnage principal, Pat Mills et Joe Colquhoun délivrent un récit de guerre qui conserve des spécificités. Le niveau de véracité historique reste élevé (Mills inclus 2 chapitres saisissants sur les troupes sénégalaises) et le commentaire social refait surface (les troupes défilant en bêlant devant le général). Bien que Blue soit un soldat professionnel, le récit continue de dénoncer chaque horreur, chaque atrocité, l'inanité et l'inhumanité des combats. Charley Bourne retourne en première ligne dans le tome suivant Retour au front.