Ce tome comprend 29 épisodes 3 à 4 pages initialement parus hebdomadairement dans le magazine "Battle Picture Weekly", en 1982. Le scénario est de Pat Mills, et les dessins en noir & blanc de Joe Colquhoun. Il comprend également une introduction de Steve White sur les mutineries dans l'armée française en 1917. Il comprend également la reproduction des paroles de la chanson de Lorette (vraisemblablement écrite par Paul Vaillant-Couturier), ainsi qu'une page de résumé, et 6 pages d'annotations de Pat Mills.
Épisodes 1 à 8 - Ulcérés par les conditions de vie dans le camp d'entraînement d'Étaples, les soldats britanniques décident de se mutiner contre la hiérarchie en place. Certains s'en prennent aux gradés, d'autres saccagent du matériel, d'autres enfin s'assoient en refusant d'obéir aux ordres. Le haut commandement essaye de trouver rapidement des solutions, avant que les allemands n'aient vent de la situation. Épisodes 9 à 23 - Une fois la situation réglée, Charley Bourne prend la décision de se porter volontaire pour être brancardier.
Épisodes 24 & 25 - En 1982, le vétéran Fred Green se rend au mémorial de la Grande Guerre à Ypres, pour voir s'il peut trouver une trace du soldat qui l'a sauvé dans les tranchées (Charley Bourne). Épisodes 26 à 29 - Le 18 novembre 1917, 476 chars anglais participent à la première offensive de la bataille de Cambrai. Bourne est à l'arrière entre 2 vacations dans les tranchées.
Le tome précédent s'était terminé sur la mise en scène époustouflante de la montée du mécontentement des soldats au camp d'entraînement à Étaples, mettant en évidence la fragilité de l'autorité des officiers et de l'organisation militaire. C'est donc tout naturellement que le lecteur assiste aux actes de mutineries au sein de l'armée anglaise.
Pat Mills fidèle à son parti pris, utilise une narration au niveau de Charley Bourne et des actions de soldats. Il limite les réactions et les décisions de l'état major à 2 ou 3 cases. D'un coté il respecte la logique interne de son récit ; de l'autre il se prive d'exposer les rouages internes d'une hiérarchie devant répondre à l'attente des troupes au plus vite (avant que le camp adverse n'ait vent de la mutinerie et n'en profite pour reprendre l'avantage). La suite d'actes de rébellion laisse également une impression déconcertante d'actions désordonnée, sans objectif clair. Si le lecteur peut imaginer que les mutins ne disposaient pas d'une organisation en bonne et due forme, un commentaire explicite et didactique aurait été le bienvenu.
Colquhoun conçoit une mise en scène permettant de se rendre compte des mouvements de foule composée de soldats, de la peur mêlée d'incrédulité des officiers, et de l'indécision d'une partie des troupes. Dans les commentaires, Mills se félicite d'avoir pu rendre hommage à Percy Toplis, l'un des meneurs de la vraie mutinerie, et il reste curieux des documents d'archive qui seront rendus publics en 2017 sur le sujet.
Dès le début de la deuxième partie, Pat Mills annonce la couleur : 80% des brancardiers n'ont pas survécu à leur tâche, à comparer à un pourcentage de tués de 35% pour les soldats. Et pourtant l'intention de Mills et Colquhoun n'est pas de peindre une fresque de blessures et souffrances au travers des interventions des brancardiers. Ils s'attachent plutôt à montrer en quoi leurs interventions sont rendues encore plus difficiles par la boue, et le manque de médicaments. Ils montrent comment se développe un trafic odieux autour du manque de morphine.
Le scénario intègre le dilemme moral qui se pose à Bourne quand il devient responsable d'un prisonnier allemand. Page après page, Colquhoun fait des merveilles pour rendre compte du bourbier entre les tranchées, ravagé par la mitraille, pour rendre compte de l'angoisse des espaces à découvert, des platelages de bois plus ou moins stables, des barbelés dressés en travers de la progression des soldats, de l'angoisse face au gaz, et de la normalité de chaque individu. À nouveau Mills et Colquhoun rendent palpable les horreurs et la vie de tous les jours sur le champ de bataille, sans se reposer sur des clichés, avec un point de vue personnel qui implique le lecteur, sans le faire ressentir de la culpabilité, sans avoir recours à des images chocs pour provoquer la pitié ou l'effroi. Il y a quand même la description d'une authentique transfusion sanguine qui fait froid dans le dos.
Et puis arrivent les 6 pages les plus intenses, les plus chargées émotionnellement, sans aucun combat, en 1982. À nouveau Mills et Colquhoun misent sur la sobriété pour évoquer le devoir de mémoire d'un monsieur ayant été secouru sur le champ de bataille par Bourne quand il était brancardier. La simplicité et l'évidence de ce passage m'ont ému aux larmes (malgré le décalage entre l'apparence du monsieur et son âge probable). Il ne s'agit pas de plausibilité (Colquhoun a du mal à rendre l'âge de ces vénérables vétérans). Il ne s'agit pas d'émotion exagérée. Il ne s'agit même pas de mise en abyme : Mills et Colquhoun écrivant des épisodes où un vétéran rend hommage à un brancardier, dans une série où ils rendent eux-mêmes hommage aux soldats de la Grande Guerre. Il s'agit juste d'une scène de remerciement honnête et sincère, d'une quête spirituelle des plus pragmatiques trouvant son aboutissement, en toute simplicité à la fois pour le texte et pour les images.
Le tome s'achève avec une nouvelle bataille où l'armée anglaise déploie un armement qui change la face du combat. À nouveau le lecteur peut apprécier l'intelligence de Pat Mills qui évoque un fait historique avéré (la Bataille de Cambrai), en étant assez fin pour ne pas essayer de faire croire que son héros était de tous les combats. Les dessins de Colquhoun rendent bien compte du dispositif mis en oeuvre pour faire franchir les tranchées par les chars anglais. Comme à leur habitude, ils ne glorifient pas l'avancée de ces machines de guerre. Ils ont la présence d'esprit de profiter de cet épisode pour mettre en évidence la futilité des opérations menées par les soldats à pied. Même dans la victoire, la Guerre reste une horreur sans nom.
Après une première partie qui soufre un peu de l'approche narrative de Mills (au niveau du soldat), le récit ramène le lecteur au plus près du terrain et des tranchées, avec un nouveau point de vue, toujours édifiant sans pédagogie lourdaude, et sans jouer sur la sensiblerie tire-larmes. Mills & Colquhoun atteignent des sommets de sensibilité et d'intelligence avec 2 épisodes se déroulant à Tyne Cot en 1982, entre Ypres et Passendale. Le retour sur le champ de bataille n'en est que plus dur, avec un autre point de vue pertinent.