Ce tome fait suite à La grande mutinerie. Il comprend 30 épisodes de 3 pages initialement parus en 1983 dans l'hebdomadaire "Battle", un texte de 6 pages de Steve White sur les faits historiques avérés relatifs à la participation d'Adolph Hitler à la Première Guerre Mondiale, un résumé d'une page des épisodes précédent, et 5 pages de commentaire des épisodes par Pat Mills, le scénariste. L'ensemble de ce tome est en noir & blanc, illustré par Joe Colquhoun.
Épisodes 1 à 14 - Ce tome se déroule pendant les mois de décembre 1917 et janvier 1918. Dans le camp allemand, la tranchée en face de celle de Charley Bourne, il y a un nouveau caporal : Adolph Hitler. Bourne est toujours tireur d'élite en second, sous la responsabilité de Len Southgate (également tireur d'élite) qui était un braconnier avant la guerre. Ils accomplissent des missions de tireur embusqué dans la zone entre les tranchées, ce que l'on qualifie aujourd'hui de snipper. Cela permet d'abattre un par un les soldats ennemis, à condition d'avoir beaucoup de patience et de ne pas se faire repérer. Du côté allemand, le caporal Hitler est un militaire motivé et consciencieux mais solitaire. La trêve de Noël se déroule dans la fraternisation d'un jour.
Épisodes 15 à 28 - Le personnage principal devient Milf Bourne (le jeune frère de Charley) qui sert de mitrailleur dans les avions militaires, sous les ordres du pilote. L'histoire le montre essayant de progresser dans la hiérarchie en étudiant, et dans quelques missions où sa survie dépend entièrement du pilote.
Épisodes 29 & 30 - L'histoire est de retour dans les tranchées aux cotés de Charley, et elle relate la récupération d'un cadavre entre 2 tranchées, au grappin.
Pour ce huitième tome, Pat Mils a décidé d'intégrer un élément historique tellement enraciné dans la mémoire collective qu'il domine toute la narration. Il est particulièrement risqué de faire d'Adolph Hitler un personnage de bandes dessinée au risque de trop l'humaniser, de le réduire à un individu sans particularité, ou au contraire d'en faire un individu habité par la haine et obsédé par l'épuration, la bave aux lèvres. L'autre difficulté narrative naît de la certitude que Bourne n'abattra pas Hitler puisque l'Histoire doit suivre son cours.
L'introduction et l'Histoire attestent de l'affectation d'Hitler sur le champ de bataille, mais les opinions divergent sur la nature des missions réelles effectuées par ce caporal. Pat Mills en fait un personnage un peu distancié, pas bien intégré avec des convictions réelles, sans verser dans le fanatisme. D'une part il sert de contrepoint au comportement général des autres soldats allemands (Hitler refuse de prendre part au rapprochement des 2 camps pendant la trêve). D'autre part, Mills s'amuse à montrer au lecteur que la survie d'Hitler au champ de bataille tient de la "chance" la plus arbitraire qui soit.
La présence de ce personnage historique monopolise moins du tiers des pages, Mills ayant choisi de ne pas en faire le personnage principal. Comme dans les tomes précédents, le lecteur peut apprécier le niveau de recherche de Mills que ce soit pour le rapprochement des 2 camps à l'occasion de Noël, le menu authentique pour le réveillon des officiers, ou l'usage d'outils inattendus, mais très efficace (un détournement de l'usage de l'arbalète). Il développe la lutte des classes sous un nouvel angle avec Wilf (prolétaire, pas d'études supérieures) cantonné aux tâches les plus subalternes et les pilotes d'avion, tous issus de la bourgeoisie et ayant bénéficié d'études de bon niveau.
Il présente enfin les soldats allemands sous un jour autre que celui du simple ennemi générique, en tant qu'individus avec leurs propres aspirations, comme les soldats anglais. Il évoque en passant la vente d'armes (le même modèle de mitrailleuse du coté anglais et du côté allemand) et il regrette dans les commentaires de ne pas avoir plus développé l'enrichissement de ces industriels (premiers profiteurs de la guerre). Enfin, les épisodes consacrés à Wilf permettent de revenir sur les risques des avions et des batailles aériennes.
La postface de Pat Mills indique que sur les 92 pages de bandes dessinées, 65 ont pu être scannées à partir des planches originales de Colquhon, les autres ayant été reproduites à partir des éditions du magazine "Battle". En y prêtant un peu attention, il n'est peut-être pas possible de repérer les 65 pages, mais il est possible de remarquer quelques pages présentant des traits plus fins, c'est-à-dire des noirs moins épaissis par une reprographie un peu primaire (ce qui doit être le cas du premier épisode).
Colquhoun est toujours aussi à l'aise pour créer des visages assez particuliers pour que le lecteur puisse reconnaître chaque personnage malgré l'uniforme et le casque. Il a l'art et la manière de transcrire en dessin les accessoires qui apparaissent les plus farfelus avec le recul (la nouvelle protection corporelle conçue par le Ministère de la Guerre). Sous son crayon et sa plume, les personnages adoptent des postures tellement naturelles que le lecteur peut en oublier que les allemands et les anglais avaient peu de chance de se comprendre facilement du fait de la barrière de la langue. Il est capable de faire rentrer un volume d'informations impressionnant dans une seule case (telle celle où les officiers goûtent à leur repas de Noël, où chaque plat est reconnaissable sur la table).
Les chapitres consacrés à Wilf fournissent une nouvelle occasion à Colquhoun de prouver son talent. Il est assez difficile de représenter avec conviction les mouvements des avions dans un ciel qui ne comprend pas de repère visuel. Très vite le dessinateur peut perdre son lecteur dans une suite de mouvements qui lui semble logique, mais que le lecteur ne parvient pas à rétablir à la lecture. Ici, Colquhoun sait donner de la profondeur de champ à ses dessins pour rendre compte de la disposition spatiale relative de chaque aéroplane et de leur mouvement respectif. Du coup les scènes de combats aériens sont compréhensibles et pleines de suspense. À nouveau, le sérieux du travail de recherche de Colquhoun assure le lecteur de la véracité de ce qu'il voit, et renforce le plaisir de lecture.