La tâche était difficile pour Li Zhiqing, celle d’adapter en manhua le roman wuxia mythique de Jin Yong, La Légende du Héros Chasseur d'Aigles. L’œuvre originale a déjà bénéficié d’une adaptation en série télévisée. Cette dernière a eu un franc succès en Chine et alentour. Il y a quelques mois, en cette fin d'année 2017 arrivait en France le premier tome de cette adaptation en bande dessinée de l'œuvre de Jin Yong. N’ayant pas lu l'œuvre originale, je n’avais pas la moindre idée de ce dans quoi je m’aventurais. Quand j'avais posé le pavé de 400 pages sur le comptoir, on m’avait dit : « Vous vous attaquez à un gros morceau, la saga comptera 19 tomes. »


Effectivement, La Légende du Héros Chasseur d'Aigles se révèle être une grande épopée historique parsemée de batailles et d’événements mythiques de l'ère Jingkang (XIIème siècle). Pendant cette période tourmentée, les Jin avaient envahi le nord du territoire chinois tandis que les Song du Sud (dynastie au pouvoir jusqu’alors), corrompus par ces derniers, s’étaient retirés vers le sud.


On découvre dans ce premier tome une myriade de personnages charismatiques. Et même si certains se démarquent comme étant les protagonistes, les autres ont aussi une importance dans le récit. Ce dernier porte autant sur le destin de ces personnages attachants dont on se doute qu’ils joueront un rôle décisif par la suite, que sur celui du pays tout entier, déchiré par les enjeux militaires et politiques. Li Zhiqing réussit à transposer la richesse du roman en distillant subtilement le background et les personnages au fil des pages, sans rendre la narration assommante et indigeste dans ce nouveau format. C’était sans doute l’une des principales difficultés d’une telle adaptation, celle de gérer correctement ce vaste contenu. Force est de constater que le résultat est passionnant.


Résolument crû et violent, ce premier tome enchaîne les conflits sanglants, soulignant le talent de Li Zhiqing pour représenter des scènes d’un dynamisme incroyable. L’intensité des combats est palpable, qu’il s’agisse d’une grande bataille dans les steppes mongoles ou d’un combat de kung-fu dans un temple bouddhiste. Le récit est marqué d’un certain manichéisme quoi que relativement mesuré par rapport à beaucoup d’autres histoires du même genre. On se retrouve finalement face à une œuvre mature qui rappelle un peu les gekigas d’Hiroshi Hirata (dans un contexte culturel et historique différent) par son atmosphère guerrière et cette esthétique réaliste (voir les superbes expressions faciales des personnages, où là encore, le dessinateur excelle).


Petite déception en revanche concernant cette édition française. Même si la traduction est de bonne qualité, comment un éditeur peut-il proposer un album avec des phylactères incomplets ? A deux reprises, on se retrouve avec des bulles dans lesquelles il manque un mot à la fin. Il y en a même un complètement vide. Et deux autres avec un saut de ligne qui rend le texte super moche. C’est pas la première fois que je vois ça, et je comprends pas comment ça peut arriver en fait, surtout de la part d’un éditeur aussi important qu’Urban China. C'est dommage pour un si bel album.


Si on met de côté ces erreurs contrariantes, c'est un premier tome de haute volée, une adaptation somptueuse de l'oeuvre originale qui transpose avec brio ce qu'elle a d'épique et de passionnant. Espérons maintenant que la suite sera du même niveau !

Endless_
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le 13 févr. 2018

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