Rubber est un film qui marque par le thème qu'il propose, destructeur de conventions, destructeur de prestige auprès d'autres films qui seraient marquants par leur histoire grandiose.
Ce thème, c'est la première chose qui est développée dans le film, expliquée clairement et directement au spectateur que vous êtes. "No reason". Dans Rubber, la plupart des choix pris par le scénariste ou le réalisateur sont inexplicables.
L'exemple le plus simple mais en aucun cas l'unique : pourquoi un pneu ? C'est inexplicable.
Je laisse imaginer à ceux qui ne l'ont pas vu l'impression qui peut émaner d'une telle succession d'anecdotes farfelues, décalées, d'éléments qui n'ont pas leur place dans tel ou tel contexte. C'est parfois drôle, parfois métaphorique, parfois juste étrange.
Un des éléments majeurs de la structure du film est le rapport ultra vivant entre acteurs et spectateurs (difficilement compréhensible pour ceux qui n'ont pas vu le film ^^). Les spectateurs influencent les acteurs et inversement, chacun va jouer dans le terrain de l'autre, ce qui crée des situations absurdes. Les spectateurs sont eux-mêmes acteurs, et les acteurs ne contrôlent pas totalement leur histoire. J'ai trouvé ce point vraiment intéressant.
La touche de Mr Oizo est là dans la bande son (très bonne) mais aussi dans le message du film, cf : la scène où tous les spectateurs se battent comme des sauvages pour manger la dinde et que l'unique handicapé reste immobile et se contente de dire "Animals...". La scène finale est assez énorme aussi.
D'ailleurs, c'est quand même bien plus sombre que je l'imaginais avant de le voir. Rubber oscille constamment entre le comique, l'absurde, parfois le glauque. Certains peuvent y voir le fait que réalisateur ne va pas jusqu'au bout des choses, enfin il faut vraiment aller loin pour trouver qu'on a pas eu une dose suffisante d'absurde. De plus, l'absurde crée du comique. C'est donc plutôt un atout à mon gout de ne pas être parti dans un délire encore plus profond qui aurait pu être incompréhensible, ni d'avoir choisi la facilité d'une comédie décalée plus conventionnelle.
Rubber est minimaliste dans son scénario, mais pas tant que ça dans sa mise en scène. J'ai trouvé ça esthétique, et Ripailloux (inscrit sur ce site, dans mes éclaireurs) a bien imagé ce que je pensais : le grain de l'image, la photographie est vraiment jolie. Le contexte spatial joue aussi un rôle important dans le dépaysement et l'absence de repères.
Les dialogues sont très marrants, surtout ceux du flic incarné par Spinella. On sourit parfois aussi devant le comportement débile du pneu, mais souvent référencé à celui des humains. J'aime beaucoup la scène où tous les pneus brulent dans les flammes et en arrière plan, le "rubber" constate immobile le "génocide de son espèce" et se vengera sur les humains par la suite.
Je conclus sur le point qui m'a un peu saoulé. Ca manque un peu de rythme, surtout au début, pendant l'éveil du pneu, un peu trop lent. Ca fait partie du délire après, mais c'est un peu lourd, surtout vu la durée du film.
Ca fait du bien au cinéma des films comme ça, ça m'étonne pas du tout que certains n'aient pas supporté.