Pas à dire, le dessin est de très haute qualité : reliefs, couleurs, lumières, paysages, tout a une substance, une lisibilité, une clarté qui séduit, et qui persiste à nous rappeler Moebius dans ses représentations de paysages quelque peu métaphysiques; il faut bien du talent pour rendre aussi nettement les deux brasiers funéraires qui ouvrent et ferment le récit; les cadrages, les décors sont soignés : le cimetière circulaire de la planche 2, le dirigeable de la planche 3, dont la présence 3D est renforcée par la noyade des hauteurs de l'arrière-plan sous une lumière solaire péremptoire; planche 7, Sheitan, le Las Vegas du crime minable (braquages, armes, crimes, prostituées sont partout dans le décor); planche 14, très beau paysage de désert nocturne. Les masques, les monstres, factices, inhumains, ou dégoulinants de dégénérescence, sont fort étudiés. Pilou, le gentil du récit, ressemble de plus en plus à Hellboy, vu qu'il s'est fait scier les cornes.

On sera plus réticent sur le scénario, qui se contente d'inventer en chaîne de nouveaux motifs d'affrontement, de bagarres, de meurtres, avec tout ce qu'il faut pour faire frémir : tortures à la gégène, carotides éclatées qui giclent, moignons éparpillés dans une cuve d'acide, pédophilie, vandalisme. Comme si ce n'était pas assez salé comme ça, le scénariste nous sort des débats socio-juridiques dans lesquels s'empêtrent les monstres de la caravane :en chaque circonstance, la Loi leur impose d'agir comme ceci et pas comme cela (on songe à la rigidité des lois des "Gitans", dont l'observance leur leur permet de garder cohérence et culture personnelle au fil des rencontres contrariantes qu'apporte inévitablement toute vie de nomadisme). On constatera que, bien souvent, pour s'en sortir, il faut transgresser la loi.

Même les "bons" ont une vie compliquée : on voit mal pourquoi la mère de Mila, qui cherche à retrouver sa fille (ce qui est moralement très correct), se la joue nymphomane avec l'un de ses gardes du corps. Et la fin, à la fois sombre et de morale quelque peu nihiliste, nous oblige à nous demander si cet enchaînement de violences et de coups bas avait bien un sens.

Heureusement, il nous reste le dessin...
khorsabad
6
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le 9 juil. 2014

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khorsabad

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