J’ai douze ans. Un inconnu m’offre un exemplaire du Journal de Tintin recelant les premières pages d’auteurs inconnus, un polonais au patronyme imprononçable et un graphomane belge. Je suis émerveillé. J’ai relu cent fois la revue, sans pour autant me précipiter sur l’album que je ne découvrirai que dix ans plus tard. Nouveau choc, je m’offre la série en quelques jours. Pour être plus précis, j’acquiers les numéros pairs et mon pote Thierry les impairs… Un partage source de tension qui me contraindra à compléter ma collection. Même si Thorgal est depuis parti en vrille, les treize premiers opus ont conquis leur place aux tous premiers rangs de l’Olympe franco-belge.
Dessinateur classique, aussi à l’aise dans le noir et blanc (Le grand Pouvoir du Chninkel) que dans la fresque en couleurs, Grzegorz Rosinski restera pour la postérité le créateur de Thorgal. Le génie de Van Hamme est plus universel, nous lui devons une centaine de scénarios, dont ceux de XIII et Largo Winch, pour 41 millions d’albums vendus. En 2015, il a été adoubé chevalier par le roi (des Belges) Philippe, le jour même, Amélie Nothomb était créée baronne. Pas juste.
- Hollywood redécouvre Conan le barbare de Robert E. Howard (1932), tonique mélange de force brute, de péplum nordique et d’heroic fantasy. Van Hamme avait anticipé ce mouvement en associant mythologie scandinave et science-fiction. Bien plus mince que le Cimmérien, Thorgal doit être beaucoup plus courageux.
Revenons à La Magicienne trahie. La toison brune de Thorgal détonne dans sa tribu viking. Amoureux d’Aaricia, il suscite l’ire de Gandalf-le-fou, son roi de père. Il s’alliera à une mystérieuse rousse et découvrira les premiers éléments de son passé. Le scénario est stupéfiant et le dessin prometteur. La mer embrumée, la bise glaciale, la houle recouvrant les récifs, m’ont marqué à jamais. Je ne peux plus me coucher sans réprimer un frisson, ce froid inhumain ne m’a plus quitté.
Le Fils des étoiles est un doux perdu dans un monde de brutes. Défenseur de la veuve et de l’orphelin, libérateur du captif, espoir de l’opprimé, il incarne la loyauté et la justice. Ce héros « malgré lui » aspire à une vie paisible avec sa fiancée. Hélas, la magicienne, les dieux, le destin et une multitude d’importuns (la série compte à ce jour 35 tomes) se sont liés pour lui « pourrir » la vie. Trop injuste.