Richard Corben conjure l'horreur imaginée par William Hope Hodgson.

Une paire d'amis faisant du camping en Irlande en 1952 a maille à partir avec des villageois dans un pub. Ils s'enfuient à travers la lande pour aboutir aux ruines d'une demeure dans lesquelles ils trouvent un journal intime qui raconte comment un homme a lutté contre des monstres qui ont pris possession de sa soeur. La lecture révèle l'horreur innommable tapie aux abords du manoir et la descente paranoïaque du propriétaire. Mais l'horreur reprend du service quand les 2 amis sont rattrapés par les villageois meurtriers.


Les comics de Richard Corben sont rares et ils sont précieux. 30 ans après sa période de gloire, il revient travailler pour Marvel et DC (la branche vertigo). "House on the borderland" est un projet de l'année 2000. Il s'agit d'une adaptation d'un roman de William Hope Hodgson intitulé La maison au bord du monde et paru en 1908. Les écrits de ce romancier ont également été une forte influence sur Alan Moore qui a utilisé le personnage principal du roman Carnacki : Le chasseur de fantômes pour l'insérer dans l'incarnation de 1910 de la League of Extraordinary Gentlemen (The League of Extraordinary Gentlemen: Black Dossier).


Je n'ai pas lu le roman d'origine qui est portée aux nues par Alan Moore dans l'introduction de ce tome. À l'évidence, Simon Revelstroke a souhaité intégrer des extraits de l'oeuvre originale, ce qui conduit à des pavés de textes plus importants que dans un comics de base. Pour autant, ces monologues intérieurs du personnage principal ne gênent pas le récit, mais le renforce. Cette histoire de monstres du dehors s'apparente à une analyse psychologique des angoisses et terreurs refoulées du héros. La construction du récit reflète cette découverte angoissante et non linéaire du subconscient en avançant par saccades et en faisant douter régulièrement le lecteur de la véracité du récit. Pour moi, ce récit se situe au même niveau que les délires les plus angoissants et les plus paranoïaques des romans d'Howard Philips Lovecraft.


Mais, bien évidemment, ce qui m'a attiré avant tout ce sont les illustrations du maître. Il réalise comme d'habitude les dessins et les encrages, mais il a laissé la responsabilité de la mise en couleurs à un autre, Lee Loughridge. Ce dernier a opté pour des teintes simples, sans dégradés qui rappellent les techniques limitées des années 1970. D'un coté le lecteur a l'impression de se retrouver dans un comics du bon vieux temps, de l'autre il regrette la flamboyance paroxystique des couleurs des sagas de Den.


Richard Corben a recours à son style habituel : quelques éléments curieusement simplistes dans des décors très réalistes. Sa patte est absolument intacte et a gardé toute sa magie : les nuages de fumée tridimensionnels quand les personnages tirent à la pétoire, le mélange à la fois hideux et à la fois cartoon utilisé pour les monstres, les veines saillantes sur les bras, les cases fragmentées pour augmenter l'impact des coups, les feuilles simplifiées de la végétation, l'aspect impénétrable des taillis, les muscles en mouvement sous la peau, etc.


Cette histoire fut pour moi un vrai plaisir de lecture qui se base sur un modèle d'écriture un peu ancien mais toujours aussi dérangeant avec des illustrations d'un créateur qui a une vision personnelle de la réalité. Si seulement un éditeur courageux voulait bien rééditer les aventures de Den...

Presence
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le 4 sept. 2019

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