Les Amériques, colonies britanniques, XVIIIe siècle. Le moment où une nouvelle nation prend forme en décidant de son indépendance. Et on l'obtenant dans le sang et les larmes. Brian Wood témoigne de cette période par plusieurs courts récits dans lesquels de petites histoires façonnent la grande.


Peut-on raconter la naissance de la nation américaine sans verser dans la glorification droitière et nationaliste dont on a encore récemment pu être témoin lors des dernières élections américaines ? Peut-on, question subsidiaire, se dire à la fois patriote et de gauche aux Etats-Unis ? C’est tout l’enjeu de ce volume et la problématique à laquelle tente de se confronter Brian Wood dans ce recueil de nouvelles.


Les prémisses de la Guerre d’Indépendance, Brian Wood (Northlander, DMZ...) les posent dans le Vermont. Il nous fait découvrir le conflit, ses enjeux, par le biais de Seth Abbot, jeune forestier bien décidé à fonder son foyer en même temps que sa nation, sans se douter des tiraillements que cette double entreprise risquent d’entrainer.


Voilà donc la trame du premier - et du plus important, dessiné qui plus est par Andrea Muti - de la demi-douzaine de récits qui composent ce recueil. Brutes et souvent poignantes, ces histoires prennent leur ancrage sur des détails et des personnages a priori mineurs pour rendre compte de la grande Histoire.


Outre celui de notre Green Mountain Boy, nous suivront également les destins d’une esclave, d’un Indien, d’une femme sur le front ou encore d’un jeune Anglais. Cette façon de s’emparer du "roman national" américain, par les petites gens et les oubliés, fait déjà mouche et confère au projet une aura particulière.


Brian Wood s’explique d’ailleurs sur ce projet en amont et en aval du volume, dans différents textes qui constituent parmi les éléments les plus intéressants de l’ensemble. Car le scénariste ambitionne rien moins qu’une réappropriation de motifs confisqués par la droite de son pays et l’affirmation d’un patriotisme de gauche. Répondant à une démarche politique s’il en est, Rebels tente d’offrir la autre vision d’un autre rêve américain, celui des origines.


Ouvrage engagé et dans une certaine mesure didactique, Rebels fait toutefois l’impasse, volontairement, sur la dimension épique que son sujet pouvait porter. Si l’on comprend pourquoi - il s’agit avant tout d’éviter de magnifier des situations épouvantables - on reste parfois sur notre faim. Peut-être un peu aride, ce comics propose néanmoins un regard surprenant et rafraichissant sur certains motifs cruciaux de la culture américaine.


Alors que la dernière élection y a porté à la Présidence un candidat qui a fait du repli identitaire son fond de campagne, découvrir un auteur qui n’abandonne pas, comme si ce sujet était honteux, la célébration des fondements de la nation, voilà qui donne à réfléchir en dehors des schémas préconçues.


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seleniel
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le 28 déc. 2016

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