Il s'agit d'une histoire indépendante de toute autre, et complète en l'état. Ce tome comprend les 10 épisodes, initialement parus en 2015/2016, tout écrits par Brian Wood. Les magnifiques couvertures ont été réalisées par Tula Lotay. La mise en couleurs des 10 numéros a été réalisée par Jordie Bellaire.
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- A well regulated militia (épisodes 1 à 6, dessins et encrage d'Andrea Mutti) - En 1775, dans le futur état du Vermont, la présence anglaise se fait sentir avec les soldats imposant la loi et l'impôt de la couronne, au nom du roi George. Seth Abbott vit avec ses parents dans une demeure de chasseur et d'éleveur située à l'écart de la petite ville dans les bois. À 17 ans, il est orphelin et il s'établit sur un terrain qu'il loue en exécutant des tâches pour le propriétaire, avec sa femme Mercy Tucker. Il est recruté par Ethan Allen pour faire partie d'une milice, au service du colonel Benedict Arnold. Avec l'accord de sa femme, il quitte la maison et s'intègre à la milice des Green Mountain Boys pour aider les indépendantistes qui veulent s'emparer de New York.
Comme l'indique Brian Wood dans son introduction d'une page, il est toujours le même auteur, celui qui fustigeait les dérives de la politique américaine et en particulier de sa politique sociale dans la série DMZ. Malgré tout il a souhaité écrire une série de nature patriotique sur la guerre d'indépendance des États-Unis (1775-1783), mais bien sûr avec une approche particulière. Il a choisi de débuter son récit dans le Vermont, dans la région où il a grandi, et il a préféré à s'intéresser à ses prémices et à la première milice du pays. Le lecteur suit donc un jeune homme (17 ans au début du récit) qui accepte de se battre aux côtés d'autres volontaires pour libérer le pays du joug de l'armée anglaise. Sa motivation découle de l'exécution de deux hommes dans la salle d'audience de Westminster dans le Vermont (un fait historique authentique). En outre, cette approche a l'avantage de légitimer les actions du personnage, puisque la guerre d'indépendance était une bonne chose pour un lecteur américain. Il n'y a donc pas de question morale à libérer un pays, pas d'intention polémique.
Le point de vue adopté par le scénariste capte tout de suite l'attention du lecteur, même s'il n'est pas féru d'Histoire en général et de la guerre d'indépendance en particulier. Le scénariste adopte une approche naturaliste, sans aller jusqu'au journal intime. Le lecteur américain retrouve quelques hauts faits de la guerre d'indépendance, mais sous un angle secondaire, à savoir quelques faits d'armes qui ont apporté un avantage tactique réel pour les grandes batailles. Aux côtés de Seth Abbott, le lecteur voit la milice progresser et accomplir des besognes peu glorieuses, mais indispensables. Brian Wood prend le temps d'étoffer son personnage principal par un retour dans le passé avec son père blessé. Il n'oublie pas non plus Mercy Tucker, en évoquant régulièrement (même si brièvement) le fait qu'elle se retrouve une jeune femme seule au milieu des bois à accomplir toutes les besognes. Il sous-entend qu'une tribu indienne se trouve non loin, et qu'il arrive que passent des soldats désœuvrés dans les parages.
Brian Wood ne raconte pas les affrontements armés à la manière d'un Garth Ennis. Il y a du sang, des blessures et des morts. Il y a quelques réflexions sur la lutte des classes, et sur la chaîne de commandement, sans que cela ne devienne le cœur du récit. L'auteur s'est fixé pour objectif de montrer l'ordinaire de la vie de Seth Abbott au sein de cette milice, sans se livrer à une thèse historique, ou à un réquisitoire social ou politique. Abbott est légitime dans son action, puisque que c'est les bons qui ont gagné. Plusieurs des hauts faits de cette première milice sont passés en revue jusqu'au retour d'Abbott chez lui en 1783.
Andrea Mutti avait déjà travaillé avec Brian Wood sur quelques épisodes de la série DMZ. Les couleurs de Jordie Bellaire rendent les pages attractives, avec une bonne unité chromatique, et des différences marquées pour chaque séquence. Mais en s'attardant un peu plus sur les dessins, le lecteur n'est pas entièrement convaincu par leur apparence. Le trait d'encrage est vaguement charbonneux, sans qu'on puisse parler de parti pris artistique. Les ombrages ne correspondent pas exactement à l'éclairage, épousant des formes un peu vagues. Les visages ne sont pas très amènes, et leurs expressions manquent de nuance. Cette apparence un peu âpre ne nuit pourtant pas au plaisir de la lecture. Andrea Mutti a la tâche peu enviable de donner corps à cette reconstitution historique, ce qui passe par un travail de référence conséquent. Il doit rechercher chaque tenue militaire, chaque construction, chaque outil pour être sûr de réaliser une reconstitution authentique. Or cette dimension importante de son travail est réalisée avec soin.
Le lecteur ressent donc l'impression de voir une époque révolue, avec un degré de précision satisfaisant. La narration visuelle se révèle être de qualité, racontant l'histoire sans problème de compréhension, y compris dans les pages muettes. En effet à plusieurs reprises, Brian Wood s'en remet aux compétences de l'artiste pour raconter l'histoire sans l'aide de mots, et la compréhension est immédiate, sans difficulté. Le lecteur peut alors apprécier la justesse des postures des protagonistes, adaptées à leur occupation, évoquant leur concentration (les soldats rechargeant leur fusil sur le champ de bataille) ou leurs émotions (Seth revenant chez lui, Mercy peinant à la tâche). L'aspect parfois un peu mal dégrossi des dessins se trouve également en phase avec la tonalité du récit, et les conditions de vie un peu rudes de Seth Abbott au sein de la milice, ou de Mercy Tucker aux abords de sa cabane forestière.
Cette première histoire évoque une forme d'engagement politique inscrit dans son époque, en suivant un jeune homme convaincu de son bon droit, courageux et compétent. Andrea Mutti réalise des cases à l'allure un peu fruste sur les bords, mais portant la narration avec une grande conviction. Brian Wood évoque un pan de l'Histoire des États-Unis, de son émancipation de la tutelle anglaise, au travers d'une milice. Effectivement il s'agit d'un récit patriotique dans le sens où il ne remet pas en cause l'action de ses pères fondateurs, mais sans être prosélyte ou réactionnaire. 4 étoiles si le lecteur est venu chercher une leçon d'Histoire avec une mise en perspective, 5 étoiles s'il s'agit d'une première découverte de cette facette de la guerre d'indépendance.
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- Goodwife, Follower, Patriot, Republican (épisode7, dessins et encrage de Matt Woodson) - Sarah Fraser était une femme au caractère indépendant, que l'on pourrait qualifier d'indomptable au regard des critères de l'époque. Pourtant elle s'est mariée avec Samuel Hull. Lorsque ce dernier partit à la guerre en 1777, elle le suivit pour assurer des tâches logistiques pour son bataillon, non pas comme cuisinière ou infirmière, mais comme chasseuse de gibier, et chef des autres femmes. Ses capacités d'organisation et de commandement étaient telles que lorsque son mari fut blessé au combat, les autres soldats qui demandèrent d'assurer le commandement de leur unité au pied levé.
Avec cet épisode, Brian Wood décide de rendre hommage aux femmes ayant pris part à la guerre d'indépendance. Comme le lecteur l'attend de sa part, il le fait à sa manière, avec des faits historiques sur la manière dont l'armée a pu prendre en compte ces femmes, à cette époque. Il réalise un épisode prenant et intelligent, évitant la tentation de tenir un discours féministe primaire qui appliquerait des critères modernes.
Les dessins de Matt Woodson sont moins chargés en encrage, et donne une impression plus descriptive et plus légère. Ses personnages apparaissent mieux dégrossis, sans que le récit ne soit peuplé de mannequins et de modèles. La reconstitution historique semble exacte, et l'ambiance du champ de bataille est bien rendue, sans que les dessins plus propres sur eux ne donnent l'impression d'une reconstitution factice.
Brian Wood prouve qu'il n'a rien perdu de sa sensibilité sociale, pour une histoire consistante et pertinente, avec des dessins professionnels. 5 étoiles.
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- Beware the bookish Woman (épisode 8 partie 1, dessins et encrage d'Ariela Kristantina) - À Boston, quelques individus placardent des affiches tournant les anglais en dérision. Silence Bright possède sa propre presse pour imprimer et elle se fait arrêter par les soldats qui sont remontés jusqu'à elle. En prison, elle fait la connaissance de Jane Franklin, la sœur de Benjamin.
En 16 pages, Brian Wood expose la situation de cette jeune rebelle, refusant de se soumettre à l'autorité anglaise et devant assumer ses choix. Les dessins d'Ariela Kristantina bénéficient d'un trait d'encrage plus lourd et élégant. L'histoire est prenante du début jusqu'à la fin, mais elle ne semble déboucher nulle part, et appeler une suite. 4 étoiles pour une mise en bouche enlevée, mais trop courte.
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- Occupation (épisode 8 partie 2, dessins et encrage d'Andrea Mutti) - En plein affrontement urbain à New York, Seth Abbott se retrouve dans une pièce avec Clayton Freeman, un soldat noir ayant accepté d'intégrer l'armée anglaise.
En 6 pages, Brian Wood et Andrea Mutti évoquent la position délicate d'un esclave noir ayant accepté de rejoindre le camp anglais pour accéder à la liberté. Le lecteur retrouve les dessins râpeux d'Andrea Mutti, toujours à l'aise pour évoquer l'époque. Il grimace un peu en voyant que Brian Wood a écrit ce bref intermède à la truelle, exposant le statut de l'esclave, mais sans réussir à faire exister ses personnages. 3 étoiles
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- Stone Hoof (épisode 9, dessins et encrage d'Andrea Mutti) - La guerre d'indépendance oblige tout le monde à choisir son camp, y compris les amérindiens. Stone Hoof a aidé les américains à construire le fort Stalwart proche de la rivière Ohio en 1750. Mais lorsque les intérêts de sa tribu le réclament, il se retrouve à se battre du côté des anglais en 1757, contre ceux qu'il a côtoyés quelques années auparavant.
Le lecteur apprécie la volonté de Brian Wood d'évoquer une autre facette de la guerre d'indépendance, et le fait qu'elle ait eu pour conséquence d'impliquer toutes les populations, y compris indigène. Mais comme pour la courte histoire précédente, celle-ci est construite sur un antagonisme manichéen, avec 2 personnages principaux dont les dialogues relèvent plus du discours ou de la déclaration de credo, que d'échanges crédibles. Les dessins d'Andrea Mutti regagnent en capacité de conviction, avec cet environnement naturel (le fort est implanté au milieu des bois), mais cela ne suffit pas à changer la face du récit. 3 étoiles.
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- Bloody backs (épisode 10, dessins et encrage de Tristan Jones) - En 1770, un soldat anglais se trouve pris à partie par la foule, dans les rues de Boston. Il se souvient de son enrôlement dans l'armée, de sa formation de soldat et de son voyage pour arriver jusque-là.
Toujours dans un objectif de donner à voir le conflit depuis plusieurs points de vue Brian Wood montre aussi la guerre vue par un soldat anglais. Cette fois-ci, le lecteur apprécie à sa juste valeur que les trouffions de l'ennemi soient humanisés et que la nature de leurs motivations soit exposée comme étant entièrement dictée par leur histoire personnelle et les contraintes sociales. Tristan Jones réalise des dessins descriptifs et réalistes, avec des lignes de contour faisant apparaître l'usure des batailles, donnant plus de force au récit.