La Nuit des Hiboux avait fort à faire, celui-ci succédant à une mystérieuse Cour certes perfectible, mais tenant du coup de maître tant elle était insondable et remuante. Passé les premières révélations concernant ses fondements, cette seconde partie verse davantage dans une résolution, progressive, des tenants auparavant dressés : ceci avec pour mot d’ordre un accent très musclé, chose invoquant pèle-mêle qualités comme défauts.
Si l’on ne retrouvera pas pareil éclair de génie que ce fameux dédale cauchemardesque, l’art de Capullo opère des merveilles dans une mêlée chaotique. Le bref passage de Rafael Albuquerque au crayon offre un interstice nullement inintéressant, car notamment plus expressif et chaud dans le trait, mais le retour rapide du maestro Capullo aux manettes n’est pas pour nous déplaire : bien que relativement bref, cet épisode conclusif s’illustrera graphiquement de bout en bout avec un sens aigu de mise en scène, gage d’une teneur épique grisante.
Néanmoins, le bât blesse fort justement à l’aune du sentiment d’insécurité, croissant, qu’instaurait La Cour des Hiboux : ici, la multitude d’Ergots assiégeant le manoir Wayne amoindri significativement leur aura d’assassins ultimes, chasseurs tous désignés d’une Chauve-souris acculée comme rarement : au contraire, les présents évènements accouchent d’un rapport de force plus équilibré, mais pouvait-il en être autrement ? Si le lâcher de rapaces relevait d’abord de l’acte osé, leur nombre exagéré agit finalement comme un handicap scénaristique ne pouvant être négocié de la meilleure façon qui soit, car l’on se doute bien que le Batman va en venir à bout... tant pis pour la cohérence du tout, lui qui avait eu tant de mal à se départager de William Cobb.
En guise de remontant, le cas du Owlman et de « Lincoln March » mérite ces quelques lignes : je n’étais pas au fait de l’existence d’une telle entité, dont la parenté le liant au Chevalier Noir accroit à n’en plus finir la légende des Wayne. Le traitement que lui réserve Snyder est toutefois subtil, l’auteur veillant à ne pas le dépeindre comme une évidence absolue : le doute sera permis jusqu’au terme de leur combat et bien au-delà, un choix des plus sages et bienvenus... quand bien même la conclusion de ce cycle consacré aux Hiboux paraîtrait tronquée.
Moins fin mais non moins captivant, La Nuit des Hiboux délivre donc un dénouement satisfaisant, offrant par la même de réjouissantes perspectives quant aux prochaines aventures du Batman sous la tutelle de Snyder. Cependant, la chute momentanée de ces rapaces ancestraux ne conclut pas tout à fait le comics, s’ensuivant en ce sens trois court épisodes supplémentaire venant étoffer, plus ou moins directement, le background d’une Gotham fort disputée.
Pris au cas par cas, leurs apports et réussites respectifs fluctuent : dans un premier temps, Rafael Albuquerque illustre les derniers instants de Jarvis Pennyworth, un éclaircissement « historiquement » non dénué d’intérêt. Le trait du dessinateur, toujours aussi expressif, se prête à la perfection à ce récit teinté d’épouvante qui complète intelligemment la trame principale.
Le second épisode place pour sa part Mr. Freeze sur le devant de la scène, et signe un complément nous laissant mi-figue mi-raisin : graphiquement la sauce ne prend pas, le talentueux Jason Fabok se fendant d’une signature de circonstance peut-être, car froide et sans fioritures, mais le trait « rond » transpirant dans le chara-design tranche avec les précédents chapitres... s’il fallait davantage signifier mon ressenti, disons carrément que ce style ne m’a pas plu - les goûts et les couleurs. Sur le fond, le bilan est plus positif, mais pas pour ses connexions avec l’arc des Hiboux : bien que bref, le portrait de Victor Fries semble avoir bénéficié d’une réécriture lumineuse de son passif, nuance et originalité s’entremêlant savamment.
Enfin, l’introduction de la fratrie Row s’avère être plus anecdotique, mais l’exercice dénote : nous positionnant à hauteur de citoyens de Gotham, l’intrigue rapidement expédiée ne saurait occulter une certaine finesse d’écriture, quand bien même l’exécution serait brute de prime abord. Becky Cloonan signe qui plus est un boulot graphiquement intéressant, y percevant notamment des influences japonaises (mais je peux me planter royalement) ; malheureusement, la soudaine prise de contrôle d’Andy Clarke, inexplicable en l’état, n’est pas loin de décevoir - dommage.