Jeremiah est un blondinet plutôt mignon, d’environ 17 ans, qui survit dans un monde post-apocalyptique situé sur le territoire américain. Le hasard le place sur la route de Kurdy Malloy, un aventurier individualiste qui ne se fait aucune illusion sur la nature humaine.

Dans une ville nommée Langton, ils sont confrontés à la loi établie par le puissant « Fat eye » Birmingham qui traite des affaires louches avec des indiens. Birmingham a son repaire dans une sorte de bunker vertical au sommet duquel il a installé une immense volière pour ses aigles. Birmingham et son clan sont responsables de la destruction du village de Jeremiah. Du fait de son jeune âge, d’une certaine innocence et d’un caractère de feu, Jeremiah s’oppose à Birmingham. Mais il ne sait pas exactement à qui il a affaire. Pour le défendre, Kurdy va déclencher une émeute populaire qui sera à l’origine d’un véritable affrontement guerrier où Jeremiah, capturé par les hommes de Birmingham, va se retrouver dans une position quasi désespérée…

Cette BD marque les débuts de la série. Débuts marquants malgré quelques défauts.
D’abord la situation. Hermann la présente en 2 planches sans dialogue qui sont une vraie réussite. En 4 vignettes horizontales, il fait comprendre l’essentiel : le pays (USA) à feu et à sang à la suite d’un affrontement dû à la tension entre noirs et blancs. La deuxième planche nous fait comprendre que les survivants se sont organisés tout en restant sur le qui-vive. Jeremiah est un habitant de Bends Hatch, hameau fortifié vivant de travaux agricoles.
Les caractères des personnages ensuite. Jeremiah est encore jeune et naïf. Il n’a jamais utilisé un pistolet et cela le met dans des situations fort périlleuses. Mais c’est un intrépide qui a du caractère. En gros, il veut vivre sa vie malgré les difficultés. Il est prêt à accorder sa confiance à Kurdy, mais il n’est pas le premier crétin venu. Quant à Kurdy, c’est peut-être le personnage le plus intéressant. Venu de nulle part avec sa mule, en principe il ne roule que pour lui-même. Mais, sous sa carapace de malin errant se cache un aventurier prêt à se battre pour défendre les causes auxquelles il veut bien croire. Son sentimentalisme potentiel est souligné par sa chaînette autour du cou où on lit « Mother » même si Hermann l’a oubliée sur la troisième vignette de la planche 15. Point faible à mon avis : la plume du casque de Kurdy que Jeremiah retrouve par terre et identifie. C’est un des éléments fondamentaux du récit, pourtant cette plume est banale et on imagine mal les circonstances qui l’ont détachée. Reste « Fat eye » méchant sans la moindre ambigüité. Ce type de manichéisme est récurent dans la série.

Le scénario est vraiment bien ficelé. Il immerge le lecteur dans un monde dont on découvre progressivement l’organisation. Parmi les survivants, des dominants et des dominés, des clans et quelques individualistes. L’influence du western est évidente : usage des armes à feu, clans de bandits avec une hiérarchie bien établie et la tension perceptible dans la ville. Ce n’est évidemment pas un hasard, puisque Hermann est le dessinateur de la série « Comanche » centrée sur le ranch 666.

Les personnages secondaires sont souvent bien croqués et les dialogues sont aux petits oignons, avec un remarquable sens de la répartie. Exemple avec Kurdy enchaîné sous la menace de deux individus qui s’apprêtent à le torturer par le feu, alors que Jeremiah arrive sur les lieux « Ho, mon frère !... L’odeur de tes grillades attire déjà le touriste. Vise un peu… » Jeremiah « DETACHEZ-LE ET FICHEZ LE CAMP !... JE… TOUT DE SUITE !... » Le premier, toujours assis tranquillement « … Et un pote à Kurdy !... On en voit des choses !... » et son copain indien, le tisonnier à la main qui enchaîne « C’est parce qu’on voyage beaucoup, mon frère. »

Le dessin est très beau et déjà précis, surtout pour le premier album d’une série. Les couleurs sont également un bel atout, sombres quand il le faut (nuit tombante et certains intérieurs) et éclatantes pour souligner ce qui intéresse Hermann (le visage de Fat eye par exemple). Hermann rend très bien certains mouvements et il n’hésite pas à utiliser quelques cadrages très cinématographiques, comme par exemple avec cet homme défenestré planche 17.

La violence est évidemment très présente. Elle est inhérente au monde dans lequel Jeremiah tente de trouver sa place. Mais Jeremiah comme Kurdy ne la subissent pas. Ils l’observent et y réagissent, chacun avec son caractère.

L’organisation générale des planches est celle de quelqu’un qui connaît bien son affaire. Aspect plutôt classique dans l’ensemble, avec généralement 4 bandes par planche, mais Hermann fait ses choix en fonction de l’avancement de son intrigue et des situations qu’il veut mettre en évidence. Il n’hésite pas à placer des vignettes de tailles très variables, dont certaines plutôt petites qui font office de zoom pour mettre en valeur un détail instantané.

Une BD qui inaugure en beauté (publication : avril 1979) une série typique du talent de Hermann.
Electron
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le 11 avr. 2013

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