A table! Profitant de l’engouement actuel pour la gastronomie, qui a littéralement envahi les rayons des librairies et les émissions de télévision, le jeune auteur belge Mathieu Burniat choisit de nous replonger avec délice dans une gastronomie d’une toute autre époque: celle des banquets interminables du XIXème siècle, avec parfois jusqu’à 30 plats qui se succédaient. Basé sur un classique de la littérature gastronomique sorti en 1924 et signé Marcel Rouff, « La Passion de Dodin-Bouffant » est un régal pour tous les gourmets, une véritable ode à l’art culinaire. L’histoire est toute simple: en 1862, le « prince de la gastronomie » Dodin-Bouffant, reconnu à travers toute la France pour sa science des saveurs, est confronté subitement à la mort de sa cuisinière bien-aimée, la talentueuse Eugénie Chatagne. Alors qu’elle revient du marché, avec dans ses filets des ortolans et des lapereaux destinés à la préparation d’un nouveau festin pour le très exigeant Dodin-Bouffant, elle tombe raide morte dans le jardin. Catastrophe! Non seulement à cause de la disparition de la jeune femme bien sûr, mais aussi et surtout parce que le brillant gastronome, qui partage ses repas avec seulement trois convives triés sur le volet (tous les autres ont été écartés en raison de leur incapacité à apprécier la finesse des mets et des aliments), se retrouve devant la rude tâche de trouver une nouvelle cuisinière qui soit à la hauteur de la brillante Eugénie. Cette quête va s’avérer encore plus difficile que prévu et plonge Dodin-Bouffant dans une profonde dépression. Jusqu’à ce soir où, comme par miracle, on lui amène un plat concocté par Adèle, la fille du père Pidou: « Des pommes de terre rôties dans leur robe… Une farce élaborée au départ d’une queue de boeuf, rissolée dans sa graisse, cuite ensuite dans un bouillon de légumes et arrosée d’un verre de vin jaune… Un Château-Chalon, si je ne me trompe… Au centre de la composition, un saint-marcellin légèrement dégourdi au four, nappé d’une crème aux morilles où se distinguent la force du bouillon de boeuf et les arômes de miel et de noisette typiques de ce vin inégalable… » Emerveillé par ce plat de génie, Dodin-Bouffant fonce sans réfléchir chez les Pidou et engage immédiatement Adèle, une simple fille de ferme, comme remplaçante d’Eugénie. D’un physique plutôt ingrat, la jeune fille ne paie pas de mine, mais qu’est-ce qu’elle cuisine bien! Tellement bien même qu’elle finit par séduire tant Dodin-Bouffant que le prince d’Eurasie, qui rêve à son tour de l’engager comme cuisinière… Mathieu Burniat ne peut pas cacher qu’il est un admirateur de Christophe Blain: son dessin plein de vie et sa fantaisie font clairement penser au style du créateur d’Isaac le Pirate et de Quai d’Orsay. Mais cette comparaison n’enlève rien au mérite de Burniat, qui parvient également à imposer une personnalité bien à lui dans ce roman graphique plein de charme. « La Passion de Dodin-Bouffant » est un roman graphique savoureux. Au sens premier du terme. Autant le dévorer sans attendre!
matvano
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le 15 oct. 2014

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