Ce tome fait suite à La résurrection de la chair qu'il faut avoir lu avant. C'est le dernier tome de la série. Il est initialement paru en 2016. Il s'agit d'une histoire imaginée conjointement par Valérie Mangin & Denis Bajram. Valérie Mangin a réalisé le scénario du récit, ainsi qu'écrit les dialogues. Jean-Michel Ponzio en a effectué le story-board, les dessins, l'encrage et les couleurs.


Dans son appartement de New York, Katlyn Fork reçoit la police qui lui explique qu'elle n'a pas d'indice quant à l'enlèvement de son fils Matthew Fork. En outre, de nombreux policiers démissionnent, ce qui ne permet pas de consacrer beaucoup d'agents à cette recherche. Dans un autre quartier de New York, Matthew Fork a de nouveau ressuscité et il fait en sorte d'aider Georges Theillard à en faire de même. Dans l'appartement des Fork, Elois explique à Buzz qu'elle n'arrive pas à déchiffrer et à comprendre les écrits de son arrière grand-oncle. Le père Theillard est ramené par la police dans l'appartement et il apprend à Katlyn Fork, Buzz et Elois que Matthew Fork a décidé de partir avec ses assassins. Dans une prison de Jérusalem, l'agent Black provoque ses geôliers, sans réussir à les faire réagir.


Quelques jours plus tard, Katlyn Fork va au-devant de son fils en hélicoptère. Elle est déposée sur un champ par le pilote Buzz (Elois et Theillard restant à bord), son fils et ses suiveurs étant en train de le traverser à pied. Il s'en suit un échange non productif, Matthew Fork restant persuadé qu'il n'y a rien de l'autre côté de la Porte du Ciel. Katlyn Fork reste persuadée qu'il faut absolument tout tenter pour la refermer. À Jérusalem, dans une installation scientifique, la responsable de projet arrive à la conclusion qu'elle et son équipe ne réussiront pas à réaliser des découvertes scientifiques en analysant la Barque de Râ. Elle décide d'accéder à la demande des États-Unis de leur rétrocéder. Le groupe de ressuscités mené par Matthew Fork ne cesse de grossir avec d'autres ressuscités, et il se dirige droit vers les installations de Fork Industries en Californie, où se trouvent la nef d'Horus-Râ.


Il est difficile au lecteur ayant lu les 3 premiers tomes de résister à la tentation de lire le dernier et de découvrir l'aboutissement de l'entreprise de Katlyn Fork et de son équipage de thanatonautes. L'enjeu est maintenant de redémarrer le processus de mort, les conséquences de l'immortalité des individus étant ingérables, à commencer par la résurrection de tous les morts, de toutes les personnes ayant jamais vécu sur Terre. Indépendamment de la résolution de l'intrigue, le lecteur sait par avance qu'il va pouvoir se projeter dans les différents lieux où se déroule l'action, grâce à la qualité des dessins de Jean-Michel Ponzio. Il retrouve effectivement cette utilisation intelligente et sophistiquée des photographies pour donner plus de consistance aux environnements. Cela commence par une vue nocturne des immeubles se trouvant en bordure de Central Park. Il y a également plusieurs vues intérieures de l'appartement de Katlyn Fork, le mur d'enceinte et les bâtiments de la prison dans laquelle sont détenus l'agent Black et Isaac Lévy, un village amish, une vue panoramique de Jérusalem, une vue panoramique d'Houston, les bâtiments de Fork Industries, et même un champ (celui où se pose l'hélicoptère amenant Katlyn Fork). Non seulement le lecteur apprécie le dépaysement et la variété des localisations, mais en plus il voit la conception d'une bande dessinée par des auteurs conscients qu'il s'agit d'un média visuel, et par un artiste attaché à rendre tangible ce qu'il décrit.


Tout au long de ces 46 pages, le lecteur se laisse surprendre par des visuels inattendus évoquant une forme d'aventure le temps de l'image d'une case. Cela peut être ces individus en train de faire un feu de camp dans Central Park, des gugusses cagoulés façon Ku Klux Klan s'agenouillant devant un homme, la population d'un village amish en train de manifester, un survivaliste ayant tué un daim et se faisant admonester par 3 demoiselles en robe blanche, une jeune gothique piercée en train de faire la leçon à un vieux pasteur à la barbe blanche, un aigle en train de planer au-dessus d'un groupe de motards traversant une ville vidée de sa population, etc. Même s'il n'en a pas pleinement conscience, le lecteur bénéficie d'une narration visuelle riche et variée. Les personnages sont toujours représentés de manière photoréaliste, que ce soit les visages (le dessinateur remercie à nouveau sa femme pour avoir servi de modèle) et les vêtements. Il constate également que les différents accessoires sont dessinés d'après référence, que ce soit les modèles d'armes à feu, les différentes motos, ou encore le matériel de camping. Non seulement Jean-Michel Ponzio investit beaucoup de temps dans la représentation des arrière-plans, mais en plus il fait attention à ne pas abuser des cases avec uniquement une tête en train de parler. La qualité de la représentation des visages les rend très intéressants à regarder pour absorber l'émotion qu'exprime leur visage, mais en plus la mise en scène permet de voir où se situent les personnages et d'observer leurs postures et leurs mouvements.


Du fait de la qualité de la narration visuelle, le lecteur se rend compte qu'il est complètement immergé dans le récit et qu'il l'absorbe au premier degré. Denis Bajram & Valérie Mangin poursuivent leur intrigue jusqu'à son aboutissement dans une résolution claire et nette qui n'appelle pas de suite. L'enjeu de ce tome réside donc la capacité des personnages principaux de mener à bien le projet Échelle de Jacob. Il s'agit pour Katryn Fork et son équipe de se rendre jusqu'au phénomène appelé Porte du Ciel pour la fermer, et rétablir le processus de mort de tous les organismes vivants. Au cours des 3 premiers tomes, le lecteur a intégré les 3 autres éléments purement fictifs imaginés par les auteurs : l'existence d'un vestige appelé Barque de Râ émettant des tachyons, la forme de résurrection particulière de Matthew Fork (le premier à être revenu à la vie) et l'existence de l'arrière grand-oncle d'Elois qui aurait inventé une machine à voyager dans le temps. Au cours de ces 3 tomes, il a quand même éprouvé des difficultés à trouver une logique entre tous ces phénomènes.


Malgré tout, le lecteur a conservé sa curiosité de connaître le fin mot de l'histoire. Or les auteurs ne donnent pas vraiment rapidement de réponse. Matthew Fork continue de ressusciter, et son apparence différente incite des tas de gens à l'accepter comme une forme d'antéchrist. Ce n'est pas tant qu'il prêche des conceptions sataniques, mais plutôt qu'il nie l'existence de toute vie spirituelle après la mort. Il est convaincu qu'après la mort, il n'y a que le néant. Même si les temps sont troublés, et les individus sont déboussolés par un phénomène aussi énorme que le retour à la vie des défunts, le lecteur ne comprend pas pourquoi des individus se mettent à suivre Matthew Fork, changeant d'opinion du fait de sa simple présence (en particulier la population du village amish). Isaac Lévy et l'agent Black éprouvent des difficultés à mettre la main sur la Barque de Râ, ayant été fait prisonniers par le MOSSAD qui compte bien tirer profit de la Barque, au bénéficie de l'état israélien. Le lecteur aimerait bien savoir d’où sort cette Barque de Râ, comment elle se rattache au générateur de tachyon mis au point par les industries Fork. De même, les archives des études de l'arrière grand-oncle d'Elois ne débouchent sur rien, les auteurs faisant lanterner cette intrigue secondaire, sans rien donner au lecteur. Finalement, à quoi bon avoir montré l'opération culottée réalisée par Elois et Buzz pour les récupérer ?


Malgré ces incohérences, les auteurs insèrent des observations par le biais des remarques ou des réactions des personnages, qui font mouche et qui relève d'une sensibilité intelligente et perspicace. Matthew Fork rend sa mère responsable de la façon dont il refuse de croire à une vie spirituelle, à cause des convictions bouddhiques de sa mère. Isaac Lévy refuse de quitter Jérusalem tant que sa famille Sarah, Sam et Anouk n'aura pas ressuscité. Des citoyens manifestent et brûlent des archives d'état civil pour lutter contre le risque de discrimination entre vivants et morts. Mais dans le même temps ces remarques ne débouchent sur rien. Pire, le lecteur s'interroge régulièrement sur la cohérence de la vie des ressuscités dont les besoins matériels sont très fluctuants, une fois devant disposer de logement et de nourriture, la fois d'après non. Et puis surprise… grosse surprise… très grosse surprise…


Le dénouement du récit vient fournir une explication très convaincante à tout ça, sous la forme d'une révélation finale, dans un récit à chute. En fonction de sa sensibilité, le lecteur apprécie plus ou moins de s'être laissé entraîner comme ça, sans rien voir venir. Mais après coup il reconnaît bien volontiers la cohérence de l''ensemble du récit. Soit il se montre beau joueur et a posteriori il réévalue l'ensemble de la série à commencer par ce dernier tome, 9 étoiles. Soit il estime que chaque tome pris pour lui-même provoquait des dissonances narratives irréconciliables avec le plaisir de lecture, 7 étoiles.

Presence
9
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le 22 mars 2019

Critique lue 92 fois

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