The Pro est un comics qui ne se prend pas au sérieux. Outre le concept, certains éléments mettent la puce à l'oreille, à commencer par la section « critique » sur la couverture : là où nous pouvons lire habituellement des propos tels que « Best. Comics. Ever » – Wizard (ndlr : célèbre magazine américain consacré aux comics), ici nous pouvons admirer des appréciations d'autres auteurs qui en réalité se brocardent par critiques interposées. Second détail marquant, le trait de Amanda Conner, très cartoon, qui tend à un délire collant à la perfection aux parodies des héros de la Justice League of America que croisera notre personnage principal. Enfin, il y a le contenu, qui malgré ses relents d'héroïsme n'hésite pas à proposer quelque chose de bien graveleux, à l'image d'une super éjaculation qui va transpercer un avion. Il s'agit donc d'une œuvre assez sale, et particulièrement vulgaire, puisqu'il emprunte au langage fleurie de notre chère professionnelle.
Malgré le délire, il existe un fond de sérieux dans cette histoire. L'héroïne ne comprend pas les membres de la League of Honor, trop loin de son quotidien et de celui des petites gens ; comme elle le dit, si vraiment ils arrivaient à rendre le monde meilleur avec leurs simagrées, cela ferait longtemps qu'elle ne serait plus obligée de vendre son corps pour nourrir son fils. Ils ont beau avoir la tête de personnages de cartoons, ces héros lui paraissent ineptes, inutiles, et incapables de régler quoi que ce soit contrairement à ce que tous leurs beaux discours supposent.
Nous assistons là à une confrontation directe entre des super-héros révolus et la dure réalité. Avec du sexe en plus.
Cela ne vous rappelle rien ? The Boys bien sûr ! Aurais-je oublier de préciser que nous retrouvons ici Garth Ennis, scénariste ne supportant pas les super-héros et n'hésitant pas à le faire savoir ? C'est tout moi, ça... Évidemment, la déstructuration du mythe du super-héros orchestrée sur fond de sexe et de violence, cela ressemble un peu à du réchauffer, mais ce qu'il faut savoir, c'est qu'il a écrit The Pro 4 ans avant The Boys. Nous y retrouvons les mêmes bases, mais The Pro apparait finalement plus comme un prototype qu'autre chose, Garth Ennis poussant le concept beaucoup plus loin dans son œuvre la plus récente, et avec un ton général qui se veut plus sérieux même si restant dans le même registre.
Au final, je retiendrai de ce graphic novel son ton irrévérencieux, son délire, la super-héroïne la plus improbable de la galaxie, et une fin hélas! un peu décevante. Son message, lui, s'éclipse un peu, la faute à sa courte durée – il ne compte que 72 pages en tout et pour tout – et à The Boys, où Garth Ennis exploite plus en profondeur ses idées. Cela reste une curiosité, pour amateurs de comics, surtout grâce à son excellent personnage principal et à quelques scènes désopilantes.