La note est la moyenne des notes des deux histoires:
1- La Schtroumpfette (8/10)
Cette première histoire, première apparition ne manque pas de mordant, Peyo ayant voulu rire et mordre. Car, entre nous, ils ont bon dos les auteurs misogyne de bibliothèque de Gargamel !
Très ingénieux, ce nouveau récit de la vie des schtroumpf parodie les passages de la Genèse et du Déluge voire d'Abel et Caïn. Voyez plutôt:
Gargamel, qui figure Satan, crée la Schtroumpfette à partir de la glaise: la femme est créée comme l'homme et non à partir de l'homme et par l'ennemi de Dieu. Pour cette raison, les Schtroumpf qui sont de bons Schtroumpfiens ne supportent pas cette rebut de Gargabuth. Il faut donc un Dieu, le Grand Schtroumpf, pour en faire une bonne Schtroumphette: la femme ayant été créé par le Malin, Dieu va la tenter au Bien.
Cela n'empêche que sa nature vilaine, liée au péché originel - avoir été créée par Gargamel - la pousse toujours à commettre les pires bêtises (elle a sans doute le quart de lune dans la tête que lui prête Rabelais). Eve pousse l'homme à manger le fruit défendu, la Schtroumpfette pousse le Schtroumpf à utiliser le levier défendu: faut-il penser que la deuxième de l'album tient d'une version Schtroumpf d'Adam et Eve chassés de l'Eden? Il en découle (le terme n'a jamais été aussi approprié !) un Déluge qui détruit le village des Schtroumpf ! La Stroumpfette jugée, découvre les Lois des Schtroumpf mais n'en pâtit pas car ceux-ci sont occupés par une lutte fratricide à la Abel et Caïn pour lui plaire.
Si cette histoire a des qualités, c'est sa caricature du féminin que le féminin est en mesure d'apprécier autant que le masculin sans forcément en prendre ombrage. C'est aussi ses allusions et détournements bibliques qui rendent Peyo plus satanique que ce bon vieux Gargamel.
Si elle accuse certains défauts, c'est le fouillis dans ses allusions et l'absence d'explication logique d'une absence de genre chez les Schtroumpf, un idéal de partisan du gender, qui laisse perplexe quand on a dépassé l'âge de croire aux cigognes et aux choux.
Enfin, cette histoire illustre à merveille la réponse de Verne à un journaliste qui, en 1905, lui demandait pourquoi il y avait si peu de personnage féminin dans ses aventures: parce qu'elle détournerait le héros de sa mission.
2- La Faim des Schtroumpf (8/10)
Très courte, cette deuxième histoire est à la fois très efficace et très incomplète.
Elle joue avant tout sur un détournement de La Cigale et la Fourmi, posant la question suivante: et si les récoltes estivales de la fourmi partaient en fumée, que ferait-elle?
Contrainte à s'exiler, elle finirait chez le Lion ruiné chez qui elle retrouve un trésor perdu: on a toujours besoin d'un plus petit que soi chez soi. Comme beaucoup (et peut-être comme La Fontaine dans sa fable), Peyo s'insurge de la morale biblique (La Fourmi et le paresseux) qui donne raison à la fourmi. Il invite à rappeler une autre morale biblique, celle du partage et de l'entraide que défend l'ensemble des aventures Schtroumpfiennes.
Ce choix axiologique est au jugement de chacun.
Néanmoins, pour un fond allusif et une lecture possible si ingénieuse de l'oeuvre, le lecteur peut en rester à une surface assez brève, dont les péripéties semblent du remplissage et la fin, un brin trop rapide, un Deus ex machina (ou plutôt Rex ex domo) une facilité scénaristique.
Peyo veut jouer sur l'homonymie de "faim" et "fin" et laisse peut-être son lecteur sur sa faim à la fin. Mince ...moi aussi.