Je n'avais jamais remarqué que les pingouins étaient aussi moches !
Oswald Cobblepot, alias le Penguin, a quelques soucis d'amour propre. Une enfance difficile, rejeté par les autres, il se sert aujourd'hui de sa fortune pour acquérir l'attention et "l'amour" des gens qui l'entourent... Tout en continuant de prendre soin de sa vieille mère, seule et unique personne qui n'ait jamais tenu à lui...
Cultivant une haine profonde pour les autres, il en devient un personnage cruel et sans empathie. Grand mal à celui qui s'essaiera à la regarder de travers.
Pain and Prejudice est la première mini-série Batman à voir le jour après le début des New 52. Nous pouvons donc prétendre que cette histoire s'intègre à la nouvelle continuité. Nous y suivons donc le Penguin, ennemi de Batman ô combien sur-utilisé cer dernières années pour combler les cases vides, dans sa vie d'aujourd'hui et celle de son enfance en parallèle.
Et là, surprise... Gregg Hurwitz nous met une claque dans la gueule. Le titre est d'une noirceur sans égale (même pour un titre Batman), tant l'histoire qu'il dépeint est glauque et cruelle. Un sentiment de malaise profond vient s'installer pendant la lecture du titre tant le Penguin est un être sadique et sombre. Et pourtant, on arrive parfois à se prendre d'empathie pour ce personnage, car franchement, niveau enfance de merde, il se tient là. Physique ingrat, rejeté par son père, ses frères et l'ensemble de la population terrestre, en dehors de sa mère complètement barj qui fait une fixette sur les oiseaux (à se demander d'ailleurs si elle n'a pas vraiment couché avec un pingouin pour avoir ce dernier enfant si moche au nez crochu) et qui trouve son "bébé" totalement charmant.
Ce malaise s'étale tout au long des cinq chapitres qui se trament autour du magnat du crime qu'est devenu le personnage. Tout les passages avec sa mère mourante, le fait qu'il tue et vole des bijoux pour elle alors qu'elle est juste en train d'agoniser, puis plus tard, cette rencontre avec cette jolie femme aveugle qui se laisse séduire par les quelques bribes de compassions qu'il reste au personnage... le développement sadique qu'ils infligent à certains de ses hommes de mains qui ont osé le critiquer ou le regarder de travers... Cet enfant battu et lynché par son propre père et ses frères...
Tout ça mis en bouteille en font de ce récit un cocktail puissant qui nous scotche et à la fois nous donne mal au coeur... Dans, je pense, le bon sens du terme, pour peu qu'il y en ai un. Jamais ce personnage n'avait eu autant de profondeur et d'exposition aussi crédible. On est loin de la version édulcoré de l'anime des années 90 (Batman TAS) même si l'esprit reste toujours un peu le même. Même la version de Burton est gentille à côté.
Le dessin quand à lui sert très bien son propos. C'est très noir, très sombre, la mise en scène est juste sublime et glauque à souhait. Kudranski fait pourtant dans le minimalisme mais sa mise en scène est juste brillante et fort à propos. Ainsi par exemple, le malaise est renforcé car jamais le dessinateur nous montre le visage de sa mère par exemple. Toute les cases sont auréolé de noir et d'ombres en tout genre. Alors qu'il n'hésite pas à renforcer le trait sur le visage du personnage, autant dans sa jeunesse que dans sa version adulte : grasse et libidineuse. Un contraste fort appuyé par la jeune femme aveugle qui va l'accompagner. Tout est pensé pour perturber le lecteur et renforcer la psychologie du personnage.
A côté de ça, le dessinateur se permet même quelques petites fantaisie en plaçant ça et là quelques caméo silencieux et délirant du Joker, qui ne sert rien à l'histoire mais laisse planer comme un reflet délirant de l'esprit du Penguin qui semble agir lui aussi comme un psychopathe mais qui ne s'assume pas (contrairement donc au clown déjanté).
Puis reste les apparitions du Batman, subtile et puissante, comme pour appuyer durement la réalité de ce qu'est le personnage.
Plus que des origines, les auteurs dépeignent ici avec justesse le portrait physique et psychologique d'un personnage bien trop souvent dénaturé ou traité avec légèreté. Plus qu'une farce, le Penguin est une véritable horreur et se justifie vraiment en tant que grand ennemi de Batman à travers cette simple BD.
A noter rapidement aussi, inclut dans l'édition TPB VO du titre, le rajout du one-shot "Joker's Asylum: The Penguin". Cela n'apporte rien mais fait cependant écho à la vision d'Hurwitz sur le personnage. Un bonus sympathique malgré tout car raconté par le Joker. Donc pour la "blague", ça le fait.
A posséder absolument !