Bien que n'ayant jamais lu de Margaux Motin au préalable, il était dur de passer à côté de ce phénomène bien connu et remarqué. Connue et reconnue par les médias, la Technique des Plaques a eu le droit à une promotion de haut vol, surtout pour une BD française. Je savais que le format était proche du journal intime, de l'histoire au quotidien via le regard de la jeune Margaux. Mais j'ignorais tout d'elle, si ce n'est son style graphique qui me plaisait et ses remarques, lues ici et là.
A ce propos, avant de passer sur le fond, je m'arrête un peu sur la forme.
Le style de Margaux Motin est très beau, très doux, très élancé et en même temps l'utilisation de couleur est présente sans jamais surchargée. Les couleurs ne sont là que lorsque c'est nécessaire. Cependant, on remarquera bien vite que les silhouettes sont toutes les mêmes et que c'est surtout les expressions faciales qui donnent du charme à l’œuvre. Les personnages sont beaux, trop surement. On semble y perdre un côté naturel, la réalité de la chose. Les grecs donnaient des allures parfaites à tous leurs personnages, Margaux Motin fait exactement pareil. Certains adoreront, d'autres, à la fin, seront lassés. Je suis dans la seconde catégorie.
Je découvre donc Margaux Motin avec cette BD.
Les premières planches nous dévoile donc avec tendresse sa vie, le début d'une nouvelle année qu'elle espère meilleure que la précédente. Divorce, perte de son père, Margaux n'a pas eu une année facile et elle explique cela avec beaucoup de tendresse sans tomber dans l’exhibitionnisme. On voit sa fille, qui, avec elle, semble avoir une maison plein d'amour et de douceur.
Bref, c'est ainsi que commence les aventures de la tectonique des plaques.
Et là, tout ce que je viens de dire : vous l'oubliez.
Je ne sais pas si Margaux Motin a réellement mis sa vie en scène ou si elle l'a déformée mais je n'ai absolument pas été touché. Déjà parce que la barrière de l'exhibition est passée plus d'une fois. On rentre clairement dans le racontage de vie sans limite. Or, ça me gène. En effet, pour moi, le but de ce genre de BD n'est pas de parler bêtement de sa vie, mais de tenter de mettre en évidence des éléments personnelles qui permettent d'avoir une compréhension plus globale d'une situation générale. Evidemment, une partie est centrée sur soi, c'est normal.
Mais Margaux Motin montre beaucoup d'elle en terme de proportion. Les thématiques sont là : se remettre d'une rupture, être mère célibataire, retrouver un amoureux, rompre de nouveau, être une femme. Mais globalement c'est beaucoup de personnel.
Plus d'une fois je me suis senti voyeur. Ce qui ne m'était jamais arrivé auparavant. Et avant d'avoir des remarques sexistes, non même en lisant les premières fois de nanas et des éléments très intimes de vie féminine, j'ai toujours trouvé une certaine pudeur qui cherchait à dépasser la barre individuelle pour aller au général.
Je pense que le vrai problème c'est Margaux Motin, qui, certes, n'a pas une vie facile, mais se plaint beaucoup quand même. Qui offre des chutes pas toujours drôles. Qui semble avoir du mal à faire les bons choix, résultat : je ne la trouve pas attachante.
Je la trouve aussi vulgaire, non pas que j'ai un problème avec les gros-mots ou les nichons à l'air (sérieusement, ça serait mal me connaître). Simplement je ne comprend pas ce besoin d'insulter autrui dès qu'il ne va pas dans le même sens. Je ne comprend pas cette mère qui boit devant son enfant. Je ne comprend pas cette femme qui n'a toujours pas compris qu'être adulte c'est assumer des décisions, faire des choix, avoir des priorités autre que soi.
Je présume d'ailleurs qu'il y a beaucoup de mise en scènes dans cette BD car sinon on pourrait penser qu'elle est une mauvaise mère. Mais vu les réponses, pleines de flegme de la petite, je crois qu'il n'y a pas à s'inquiéter.
Globalement je n'ai pas aimé cette BD parce que je n'ai pas beaucoup ris. Parce qu'au lieu d'avoir de la poésie, j'ai du nombrilisme. Parce que les thèmes où certains pourraient se retrouver, ba moi j'y n'y trouve rien. Ca ne m'avait jamais fait ça. Lire un autre être humain et n'avoir strictement rien à y prendre pour moi.
Certes, quelques planches m'ont fait rire et quelques histoires m'ont touché. Mais au final, c'est beaucoup de déception.
Un gros problème, à mon sens, c'est l'image de la femme qui est véhiculé par Margaux Motin : dépensière, fan des fringues, adore se maquiller et en même temps le côté "folle" prétendument "libérée" à en croire certaines féministes : danser dans la salle de bain, être une femme enfant. Puis bien sur les fameux "pets aux lits" ... Sérieusement, y a encore des hommes qui pensent que les femmes ne pettent pas ?
La vision féministe en prend un violent coup dans les dents avec La Tectonique des Plaques où Margaux Motin assume que la femme de demain, c'est celle qui consomme à fond, celle qui aime l'apparence physique, celle qui aime les potins, celle qui est hystérique pour un rien, celle qui boit et celle qui fait ses ongles. En bref, c'est les défauts des stéréotypes-hommes ajouter à ceux des stéréotypes-femmes. Un délice en sommes.
Etant personnellement totalement croyant dans l'égalité des sexes, ça m'a profondément déçu cette vision que j'ai trouvé à la limite de l'archaïsme.
Mais dans le même temps, deux choses : peut on lui donner tord ? Est-ce que parce que Margaux Motin ne décrit pas une réalité égalitaire elle a tord ? Est-ce que parce qu'elle est le résultat d'une éducation (au sens large) machiste, elle pourrait faire autre chose que reproduire ces habitudes sociales ? Je suis bien placé pour savoir qu'on ne peut jamais lutter parfaitement contre les préjugés que la société nous impose.
Et puis est-ce que la revendication d'égalité du féminisme ne va pas en opposition aux revendications de différenciations qui font le propre de l'individualisme ? Différenciation qui passe par la différenciation en catégories. Les gens ne veulent ils pas se définir en opposition aux autres (ex : j'écoute du rock, pas les autres. Les autres votent, pas moi, etc...). La catégorie "femme" devient un lieu de refuge dont est exclu une grande partie du genre humain (les hommes, les filles trop jeunes et les femmes trop âgées, jugées comme n'étant "plus femme"). Du coup, pour se définir entant qu'individu, on risque de revendiquer une appartenance à une certaine catégorie, qui elle, véhicule des stéréotypes sociaux qu'on essaye en même temps de combattre.
Margaux Motin ne m'aura pas fait rire, elle ne m'aura pas touché, elle n'aura pas arrivé à me plaire comme elle a plu à tant d'autres. Mais involontairement, elle m'aura fait réfléchir.
C'est déjà ça.