La mise en route de la série est ici achevée : l’alternance des divers groupes de personnages et de leurs quêtes respectives suffit à composer un récit varié et plutôt équilibré.

Le couple que forment le sérieux et lucide Tôshi avec le baroque et borné Kaï parvient à une cohérence classique (planches 10-13, 16-18, 20-22) avec ce qu’il faut d’homosexualité manifeste pour que Cothias se sente un bon pédagogue (planches 36-37), enseignant autant de fois que l’on veut qu’entre samouraïs, ça se passait vraiment comme ça... C’est beau, le scrupule pédagogique.

Kozo entre personnellement en scène dans le côté occulte de ses manigances : il envoie directement Tôshi et Kaï vers une embuscade préparée par ses sbires (planche 2) ; et qui peut douter que Kozo ne soit le Tigre qui pousse les villageois à se révolter, en dépit de son superbe travestissement qui empêche de le reconnaître ?

Par contraste avec ces personnages bien dessinés, Tchen Qin n’est pas très lisible. Cothias, qui n’en perd pas une pour rappeler qu’il est bien le héros (planches 12 et 14 : on spécule toujours sur la mort du héros ; planche 31 : Kozo-Tigre semble inquiet à l’annonce de la survie de Tchen Qin, alors qu’il n’a aucune raison de le craindre plus que n’importe qui d’autre – planche 46), en fait peut-être trop à son sujet : supposé amnésique, il se souvient très bien des us et coutumes de son pays (planche 3), et même Maître Oda trouve ça bizarre (« Tu es étrange, Mizu. Tu as tout oublié des choses de ton passé, hormis les plus mauvaises » - planche 3). Pourquoi Oda s’embête-t-il à chercher à comprendre ? Il n’a qu’à demander à celui que ça arrange, Cothias...

Donc, Tchen Qin-l’amnésique-bizarrement-configuré entretient une relation plus ou moins stable avec Mara, la putain rejetée du village (planche 41). On sent bien que cette relation va faire des étincelles le jour où Pimiko va enfin retrouver la trace de son petit copain. Un peu dépressif, et assez désabusé, le Tchen Qin (planches 5, 14-15). Le titre de l’épisode (« Lapin-Tigre ») est supposé désigner Tchen Qin. Poétique mais assez tiré par les cheveux : Tchen Qin est « Tigre » seulement dans l’espoir de Pimiko (planche 6), et, seulement deux planches après, le dépressif Tchen Qin se surnomme lui-même « Lapin », parce qu’il se sent « sous-homme ». Ouais, si on veut...

Pimiko subit avec réserve et sérénité les avances continuelles du vieux Nichiren, dont l’interprétation personnelle du bouddhisme semble propre à lui permettre pas mal de passions, surtout celles de bas-ventre (planches 9 et 32-33). Et quand le vieux sage chevauche, il met une selle (planche 40) ! C’est fun, le bouddhisme, quand on a plein de gamines à ses ordres... Quant à Pimiko, elle recourt au rêve pour se re-convaincre de la survie de Tchen Qin (planche 33)...

Catéchiste du matérialisme borné, Cothias nous ressort toujours ses couplets sceptiques sur le merveilleux japonais (planche 11) ; à croire que dans ce Japon du XIIIe siècle, personne ne croit à ce qui fait la base de la culture populaire. Ca nous fait un « Siècle des Lumières » vachement en avance. En revanche, ses notations insistantes sur le raffinement de la culture japonaise correspondent bien aux réalités de l’époque (planches 25, 42-44).

Adamov est maître aussi bien de ses lignes réalistes et très lisibles que de sa palette. Adepte des tons assez clairs et allègres, il nous compose de beaux paysages littoraux (planches 1 et 2), où les pins tordus et les oiseaux rapides que figurent les peintures japonaises traditionnelles sont repris avec vraisemblance. Paysages ruraux, (planche 5) atmosphère d’hiver (planches 6-8) ; costumes ornés de motifs colorés (planches 7, 28-31). Merveilleux jardins japonais paradisiaques, pourtant en pleine campagne (planches 30-31). Coucher de soleil de face (planche 38). Château d’Oshikaga (planches 42 et 43). Le tout avec des nuances de luminosité très convaincantes.

Les confrontations, entre des groupes de personnages qui cheminent séparés pour l’instant, devrait nous valoir de belles scènes d’action et d’émotions...
khorsabad
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le 21 mai 2013

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