Le pilier est un virus.
Ce tome fait suite à Black Science, Tome 7 : Le silence de l'Aède (épisodes 31 à 34) qu'il faut avoir lu avant. Dans la mesure où il s'agit d'une histoire complète en 9 tomes, il faut avoir commencé...
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le 5 nov. 2019
Comics de Rick Remender, Matteo Scalera et Moreno Dinisio (2018)
Ce tome fait suite à Black Science, Tome 7 : Le silence de l'Aède (épisodes 31 à 34) qu'il faut avoir lu avant. Dans la mesure où il s'agit d'une histoire complète en 9 tomes, il faut avoir commencé par le premier. Celui-ci contient les épisodes 35 à 38, initialement parus en 2018, écrits par Rick Remender, dessinés et encrés par Matteo Scalera, et mis en couleurs par Moreno Dinisio. Il comprend également les couvertures variantes réalisées par Chris Samnee, Brian Level, Declan Shalvey, Dave Guertin, ainsi que 10 pages en noir & blanc, avant mise en couleurs.
Sur une autre Terre, Sara McKay et Grant McKay se trouve sur une large plateforme flottante, face à une psychologue en blouse blanche. Celle-ci demande à Sara depuis combien de temps elle n'a pas lâché le Pilier portable qu'elle tient dans la main. Grant McKay exprime son énervement quant au temps qu'ils ont dû patienter pour que la psychologue s'occupe d'eux. Cette dernière indique que leur mission (à Sara et Grant) est en train de détruire toute la réalité. Sara et Grant McKay expliquent qu'ils font très attention en passant d'une réalité à l'autre, et qu'ils font ça pour retrouver leurs enfants Pia et Nate. La psychologue indique qu'elle le sait bien, et elle commence à rentrer dans le vif du sujet. Dans toutes les réalités infinies de l'Infinivers, seuls quelques douzaines de couples mariés McKay ont consommé au moment exact pour donner naissance à Pia et Nate. Or eux-mêmes sont la dernière version en vie du couple parent de 2 enfants, cela implique que Pia et Nate sont morts pour de bon car Kadir Aslan avait tort en ce qui concerne le Jamaisvers.
La psychologue ajoute que Kadir Aslan a pu aboutir à ce résultat grâce à l'aide de Grant McKay. Elle explique qu'elle peut les aider à mettre fin à ce cycle de destruction et de mort, en les accueillant à l'Institut Interdimensionnel pour la Restauration Maritale. Sara McKay s'insurge : elle n'a aucune intention de reformer un couple avec Grant dont elle a divorcé. La psychologue lui demande de bien vouloir poser le Pilier portable et de lui accorder une heure de discussion. Voyant une photographie de la psychologue avec son mari, Sara McKay lui conseille de ne jamais se mettre en couple avec un narcissique, car ils finissent par tout vous prendre. La psychologue se met à passer en revue la vie de Sara McKay, née Flores, fille d'Elizabeth et Antonio Flores, ses aspirations de devenir une actrice se produisant à Broadway. Mais ses parents ne l'ont jamais emmenée à un cours d'art dramatique, et lui ont appris que les autres sont plus importants qu'elle-même. C'est ainsi qu'au moment de se mettre en couple Sara McKay a jeté son dévolu sur un homme semblant avant tout intéressé par lui-même, sauf qu'elle n'est pas tombé sur un narcissique, mais sur Grant McKay qui reproduisait le comportement de sa mère abusive. Afin de s'engager sur le chemin du pardon et de la rédemption, la psychologue tend un papier avec des coordonnées à Sara Flores et lui demande de les programmer dans le pilier portable.
Le lecteur sait qu'il peut compter sur Rick Remender pour le déstabiliser avec une entrée en matière qui ne semble pas en lien direct avec la fin du tome précédent, et ce n'est rien de le dire pour celui-ci. Il commence par une thérapie de couple sur 2 épisodes, d'abord avec une sorte de thérapeute dont l'identité s'avère particulièrement troublante, puis par un séjour détente en amoureux, d'autant plus enrichissant qu'il y a d'autres personnes. Le lecteur sait que ces moments de détente sont de courte durée, car les deux derniers épisodes le collent à son siège pour un voyage mouvementé et conceptuel. En sachant qu'il s'agit de l'avant dernier tome, il est évident que le scénariste doit faire progresser son intrigue, et enfin montrer à quoi ressemble le cœur de l'oignon. Mais il n'en oublie jamais ses personnages. Le thème de la famille reste au centre du récit, cette fois-ci plus particulièrement sous l'angle du couple formé par Sara Flores/McKay et Grant McKay. Attention, il s'agit d'un récit adulte dans lequel il n'y a pas de bons sentiments magiques, pas de rabibochage sous l'inspiration du moment, pas d'oubli des souffrances passées, des rancœurs, ou des trahisons, de la culpabilité. Il n'est pas possible de faire comme si Grant McKay n'avait jamais été infidèle.
Depuis le début, Grant McKay ne s'est pas comporté comme un héros exemplaire : tromper sa femme, mettre en danger ses enfants, avoir une attitude égoïste, foncer dans le tas sans réfléchir aux conséquences, frapper ses collaborateurs… Il est indéniablement le personnage principal, mais pas un héros sans reproche. Avec ces 2 premiers épisodes, Rick Remender creuse profondément la psyché de son personnage principal : tromper sa femme est le symptôme d'un malaise profond, son comportement égoïste trouve ses racines dans le comportement de ses parents. Comme amorcé dans le tome précédent, le scénariste consacre également plus de pages à Sara Flores dont le caractère a lui aussi été façonné par le comportement de ses parents. Remender n'établit pas cette connexion de manière démonstrative ou magistrale, mais en montrant en quoi la personnalité de ces 2 individus a été façonnée par l'exemple des adultes pendant leur enfance. Comme à son habitude le scénariste n'y va pas avec le dos de la cuillère : Grant McKay se rend compte qu'il a mal jugé le comportement de Rebecca Dell qu'il a puni de manière cruelle, car lui-même a adopté un comportement similaire pour retrouver ses enfants. Finalement, Sara Flores est également logée à la même enseigne, avec une dose de cruauté supplémentaire quand elle peut voir dans une autre dimension ce qu'aurait été sa vie sans s'être mariée à Grant McKay. Le lecteur ressort de ces passages avec un goût amer (comprendre les failles de ces 2 individus), mais aussi une forme d'optimisme grâce à la compréhension dont Rick Remender fait preuve à leur égard. La perfection n'est pas de ce monde et il faut vivre avec.
À nouveau, la collaboration entre le scénariste et l'artiste impressionne : Remender a pensé son scénario de manière visuelle, et Matteo Scalera rayonne dans ces épisodes. Alors même que le récit sonde des processus psychologiques complexes, la narration visuelle s'avère riche et variée, avec une sensibilité épatante pour transcrire les différents états d'esprit. Le lecteur a les yeux grands ouverts pour regarder la séance sur la plateforme volante, avec un magnifique ciel bleu d'une couleur radieuse. Il apprécie de pouvoir observer la prestation de Sara Flores sur scène depuis les coulisses, puis de l'accompagner prendre un verre dans un café douillet. Le séjour à l'hôtel Souvenir de l'âme permet de découvrir un établissement plein de caractère, de côtoyer une foule de gens chaleureux, de descendre une rivière en grosse bouée, de danser sous les étoiles. Chaque moment devient unique et précieux, avec des visages exprimant des émotions délicates et fragiles, rendant les personnes très proches, suscitant une empathie irrésistible. Le lecteur sent les larmes lui monter aux yeux à faire l'expérience du processus psychique d'acceptation qui s'opère presqu'à l'insu de Sara et Grant. C'est un véritable credo de la part du scénariste, sur l'importance primordiale qu'il donne à la famille.
Après ces moments hors du temps au sens figuré, Sara Flores et Grant Mckay repassent à l'action et se remettent à la recherche de leur progéniture avec une vigueur accrue. Matteo Scalera repasse en mode action et spectaculaire, avec un sens de la mise en scène impeccable, une capacité impressionnante à rendre du mouvement et de la vitesse, des dessins projetant le lecteur dans un monde de science-fiction échevelé et cohérent. Or, à nouveau le scénariste se montre très exigeant avec lui : plongée au cœur de l'oignon, rencontre avec la race qui y vit, cité fantastique qui pourrait bien être l'habitat des anges, propagation d'antimatière. À nouveau le lecteur éprouve l'impression que les pages ont été réalisées par un seul et unique auteur, tellement les dessins portent des informations permettant d'exprimer une partie significative des idées du scénario, et tellement les couleurs viennent compléter les informations des dessins, sans redondance, sans simple coloriage. À nouveau le lecteur reste songeur devant le manque de prise en compte des conséquences de leurs actions par Sara & Grant McKay, vraiment pas des héros au sens classique du terme. À nouveau, il reste le souffle coupé par l'ambition des auteurs. Au cœur de l'oignon, Sara & Grant McKay se trouvent confrontés à des questions fondamentales sur la réalité du libre arbitre, sur le déterminisme des schémas mentaux. Ce questionnement est à nouveau avant tout porté par les péripéties de l'aventure, sans discours magistral. Il faut un peu de temps au lecteur pour se rendre compte que Remender & Scalera ont également réussi à inclure le thème de la réalité virtuelle, en extrapolant son potentiel, jusqu'à offrir la possibilité aux individus de vivre simultanément plusieurs vies, voire une infinité de vie. Le lecteur en a le souffle coupé dans un moment vertigineux… sans compter le coup de théâtre de la dernière page.
Comme d'habitude dans une série de longue haleine (plusieurs dizaines d'épisodes), le lecteur se demande si les auteurs réussiront à maintenir la dynamique du récit tout du long, si les révélations seront à la hauteur des attentes générées par le suspense. Cette question est encore plus vive après ce tome tellement Rick Remender, Matteo Scalera et Moreno Dinisio ont encore franchi un nouveau palier, et même plusieurs. L'étude de caractère acquiert une épaisseur surprenante et une sensibilité mature, alors que l'intrigue continue à propulser le récit en avant à une vitesse folle, et que la dimension spectaculaire prend de l'intensité, en même temps que les personnages expriment des émotions plus nuancées. Indispensable.
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le 5 nov. 2019
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