"Le Banquier du Reich" est une oeuvre de bande-dessinée qui se penche sur la vie d'un personnage méconnu en France : Hjalmar Schact, économiste et banquier, qui exerça notamment sous la république de Weimar en tant que président de la Reichsbank, puis sous le IIIe Reich comme ministre de l'économie dès 1934.


Bande-dessinée soignée, qui traite d'un sujet peu exploité jusque-là en France à savoir la vie économique et financière du IIIe Reich, "Le Banquier du Reich" comprend malheureusement quelques petites lacunes historiques qui faussent la compréhension du système politico-économique de l'Allemagne nazie.


En effet, les auteurs de la bande-dessinée font de la puissance de l’État, la prérogative numéro une d'Hitler et de son entourage. Le mot "État" sort à plusieurs reprises de la bouche du Führer comme si un État solide sur ses bases, parfaitement fonctionnel était le but recherché par les nazis pour redresser l'Allemagne. Cela va totalement à l'encontre de ce que pensaient véritablement les nazis sur l’État. En effet, il faut lire Johann Chapoutot, et notamment "Libres d'obéir", pour bien comprendre la pensée nazie sur le sujet : l’État est vu comme une entrave à la liberté d'action des individus, une structure lourde, qui ralentit les énergies du peuple, et qui doit progressivement disparaître au profit d'instances plus souples et non immuables. Il assure la survie des faibles grâce à son système de redistribution des richesses et d'assurances sociales, entretient les "oisifs" et s'oppose à la "logique de la nature". Bref, tout ce que les nazis haïssent.


La bande-dessinée est également dans lignée d'un préjugé tenace qui considère le pouvoir nazi comme une structure hiérarchique et étatique rigide, verticale, alors qu'elle était bien au contraire dissolue, cacophonique, favorisant les luttes de pouvoir interne/externe. Hitler mettait d'ailleurs en perpétuelle compétition les hauts dignitaires du régime (qui se détaistaient presque tous les uns les autres), et on imagine mal Himmler remettre le fruit de son travail à Göring comme c'est le cas dans la bande-dessinée. Une case anecdotique certes, mais qui témoigne d'une méconnaissance des rouages du pouvoir nazi. On retiendra également quelques dialogues caricaturaux qui desservent l'ambition salutaire de ce genre de vulgarisation.


Le sujet est néanmoins assez intéressant et l'ouvrage suffisamment plaisant à lire pour envisager la lecture du second tome.

Créée

le 1 nov. 2020

Critique lue 474 fois

8 j'aime

Critique lue 474 fois

8

D'autres avis sur Le Banquier du Reich, tome 1

Le Banquier du Reich, tome 1
Dij
8

Et si j'étais né en 17 à Leidenstadt ?

L’enfer est pavé de bonnes intentions et il vous sera bien difficile d’avoir un avis tranché sur la responsabilité de ce cher Hjalmar Schacht dans l’holocauste à la lecture des 2 tomes de cette bande...

Par

le 10 mars 2021

1 j'aime

Le Banquier du Reich, tome 1
JulieToral
7

Critique de Le Banquier du Reich, tome 1 par JulieToral

Première partie du portrait d'un personnage ambigu, qui éclaire sur les conditions de vie de l'Allemagne après la fin de la première guerre mondiale, en un mot : difficiles. Une économie...

le 14 juil. 2020

Du même critique

Délicieux
Matthieu_Aussudre
6

"Délicieux" du côté de l'histoire de l'alimentation

Je dois dire que j'ai eu peur, très peur. Au point de ne pas aller au cinéma voir le film, de peur d'être prisonnier d'une version totalement mensongère de l'histoire de la cuisine. Une publicité du...

le 31 juil. 2022

2 j'aime

1

Histoire de Jérusalem
Matthieu_Aussudre
6

Un problème de format ?

Sorti en 2022 et ayant connu un regain de ventes suscité par les événements postérieurs au 7 octobre 2023, L'Histoire de Jérusalem de l'historien Vincent Lemire et du dessinateur Christophe Gaultier...

le 31 oct. 2024

1 j'aime

2

Le Dernier Duel
Matthieu_Aussudre
7

Matt Damon, Roberto Baggio, même combat.

Un filtre gris dégueulasse, des coiffures immondes que le football italien des années 1990 n'aurait pas boudé, des ralentis lourdauds sur le duel final, une libre interprétation du XIVe siècle...

le 23 oct. 2021

1 j'aime