[Cette critique vaut pour la série dans son ensemble.]
Le bateau de Thésée est initialement une problématique philosophique assez profonde de ce qui définit l'identité : les athéniens conservaient le bateau de Thésée. Face aux ravages du temps, il a été nécessaire de le rafistoler, petit à petit, planche pourrie par planche pourrie... Une fois tous les bouts remplacés, peut-on dire qu'il s'agisse encore du même bateau ? L'identité est-elle matérielle, ou dans les idées et les projections que l'on porte sur les Hommes et les choses ?
Cette réflexion est la toile de fond de ce polar teinté de voyage dans le temps. Shin, le protagoniste, se retrouve, de façon un peu clichée et assumée, à voyager mystérieusement dans le passé. Son père a été accusé d'être l'auteur d'un massacre dans une école primaire rurale du Japon. Comprenant qu'il est arrivé quelques jours avant le drame, il se demande s'il ne serait pas bon d'empêcher qu'il advienne, ou du moins, d'essayer d'éviter à son père la case prison (et lever enfin ses doutes sur son innocence ou sa culpabilité)
Evidemment, essayez de changer l'Histoire, et rien ne se passe comme vous le prévoyez. Après quelques jours, reprojeté dans le présent, Shin remarque avec effroi que toute sa vie telle qu'il la connaissait, n'existe plus... sauf pour son père, toujours en prison. Un échec absolu.
S'ensuit au fil des tomes une enquête qui croise le passé et le présent, pour créer un avenir meilleur, un bateau de Thésée moins biscornu et plus juste dans des dimensions parfois vertigineuses et habiles, mais toujours haletantes. Le bateau de Thésée est l'un de ces plaisirs que l'on dévore, et qui nous pousse à nous interroger sur le sens du destin, sur celui de l'identité des personnages de fiction au fil de leur histoire, et même plus loin, lorsqu'elle s'achèvera. Une dualité admirablement construite dans les dernières pages.
Je ne mets pas la note parfaite, parce qu'il reste toujours de ces zones d'ombres, de ces impressions fugaces d'incompréhensibles de paradoxes, une sensation de sortir de rêve, lorsque l'on est confronté à une succession de voyages dans le temps. Toutefois, le manga est admirablement conçu, écrit, et il est probable qu'il ne vous laisse pas indifférent, et vous laissant le goût douçâtre de ces œuvres dont on est certain qu'on les relira... à moins que la vie et ses épreuves ne nous transforment... si elles le peuvent.