Depuis de longs mois, le tonnerre gronde sur l'ouest... Conduis par Cochise, les tribus Apaches et Bavajos descendues des Sierras sont sur le sentier de la guerre... Elles tiennent les pistes, les points d'eau, les passes... Arizona, Nevada, Nouveau-Mexique, sont à feu et à sang, et l'épouvante y règne... Les peaux-rouges ont brûlé les villes désertées. Les camps de mineurs, les ranches, ils ont massacré prospecteurs et fermiers, et forcé les garnisons trop faibles à évacuer les forts isolés, écrasant toutes les colonnes de secours... Ce matin là, à Camp-Bowie (Arizona) l'armée, rassemblée par le général Crook pour tenter de pacifier le territoire achève fiévreusement ses préparatifs de départ...
Jean-Michel Charlier et Jean Giraud, dit Moebius, à la a suite de Fort Navajo, Tonnerre à l'Ouest, et L'Aigle Solitaire, continue la randonnée implacable de Blueberry avec '' Le Cavalier perdu '' : quatrième partie d'un cycle de cinq albums qui centre son récit principal autour d'une guerre malheureuse entre les Yankees et les Apaches, qui se conclura avec La piste des Navajos. Une grande histoire qui offre une base solide et stable à cette impressionnante saga qui met à l'honneur le western. Le périple se poursuit là où il s'était conclu dans L'Aigle Solitaire, avec le lieutenant Craig parti du Camp-Bowie (où se trouve l'ultime résistance commandée par le général Crook) en plein territoire ennemi pour atteindre un poste de télégraphe, pour demander par câble au président des États-Unis l'autorisation de tenter une ultime négociation avec Cochise. Blueberry est resté dans le fort Bayard pour se reposer après la terrible escapade du convoi d'armes qu'il à mené tant bien que mal à thermes, au prix de gros sacrifices humains dans le but d'annoncer la vérité autour de cette guerre. Guerre qui depuis le début n'est imputable ni aux Apaches ou autres Navajos, ni aux soldats américains (quoiqu'ils soient involontairement responsables en ayant enflammé la situation), mais aux Mescaleros venus du Mexique. Après plusieurs jours, Blueberry inquiet de ne pas voir Craig revenir avec la réponse du président des États-Unis, va partir à sa poursuite, revenant après quelques péripéties avec la fameuse réponse tant attendue qui est de tenter une ultime négociation. Seulement, le temps est joué Blueberry n'a que peu de temps pour trouver Cochise et lui faire entendre raison avant que l'ultime attaque commence. Mais pour pouvoir aller à son encontre, il va devoir traverser les vastes territoires hostiles de l'Ouest gardés par toute une armée d'Apaches et de Navajos près à en découdre avec les Tuniques bleues. Pour pouvoir mener sa mission à bien, notre cowboy préféré n'a d'autres choix que de retrouver '' Crowe '', le métis mi-indien, qui est le seul à pouvoir le conduire au grand chef Apache.
Avec ce quatrième volume, Jean-Michel Charlier et Jean Giraud nous proposent un périple plus posé (malgré quelques situations périlleuses) que les deux tomes précédents : ''Tonnerre à l'Ouest'' et ''L'Aigle Solitaire'', qui nous plongeait dans une véritable course-poursuite enflammée avec de nombreuses confrontations spectaculaires. L'infiltration est toujours de guise avec une transpercée des monts Pédrégosa direction le sud de l'autre côté de la frontière mexicaine avec une traversée du Rio Grande pour faire une escale au village de Salinas, où un nouvel ennemi attend la petite troupe. Une chevauchée difficile où Blueberry va devoir jongler avec les Peaux-Rouges, mais aussi une nouvelle menace incarnée par le gouverneur Armendariz et ses soldats mexicains, tous guidés par Quanah-n'a-qu'un-oeil dit '' Aigle Solitaire '', qui poursuit sans relâche avec toute sa haine et sa hargne Blueberry, pour l'empêcher de remettre à Cochise la lettre du président des États-Unis, ne voulant pas mettre un terme à la guerre. Un nouveau voyage compliqué pour Blueberry qui va devoir compter sur ses astuces et autres ruses pour se tirer de mauvaises situations, ainsi que sur l'arrivée d'un nouveau coéquipier du nom de ''Jim Mac Clure'', et du retour in extremis de ''Crowe''. Un trio improbable entre un cowboy désinvolte, un traître métis, et un prospecteur alcoolique, contre un adversaire acharné qui s'est juré de poursuivre jusqu'en enfer sa quête de vengeance.
Le Cavalier perdu propose des chapitres plus ouverts avec dialogues qui présentent des personnages toujours mieux nuancés autant du côté des visages pâles que des peaux-rouges. Quelques scènes tendues nous attendent au tournant avec en tête l'excursion de Blueberry et de Jim Mac Clure en tant que prisonniers dans l'antre du chef Apache ''Charriba'', qui sous les conseils de Aigle-Solitaire (encore lui !), va les condamner à mort par le supplice du poteau ! Une séquence sous tension où Aigle-Solitaire va faire du lancé de hache sur les deux cowboys ligotés dans le cœur d'une clairière, sous des grands tambours de guerre avec les Squaws dansants et criants tout autour des prisonniers. Une scène prenante. On retient aussi la séquence finale au cœur du village de Salinas, où une fois encore Blueberry et Jim Mac Clure vont être condamnés à mort par la pendaison (décidément ce n'est pas leur jour !), mais cette fois-ci par les mexicains. Une nouvelle phase cruciale et dramatique se joue et se dénoue une fois encore avec l'arrivée in extremis de Crowe accompagné de soldats confédérés. Crowe qui est indéniablement le grand héros de cette guerre entre les Yankees et les peaux-rouges. C'est décidément le volume des condamnations à mort par le supplice, puisqu'on peut également y ajouter la mise à mort du lieutenant Craig, où celui-ci est enterré dans la terre pour être dévoré par les fourmis rouges. Bon appétit !
- Navré, Jimmy ! Je me suis jeté dans ce piège, comme un vrai Pied-tendre !
- Bah !... Il faut bien mourir un jour, fils !...
Le Cavalier perdu est un volume important car il fait évoluer l'intrigue principale avec une vérité enfin révélée du côté des Yankees, qui enfin font preuves de bon sens grâce à Blueberry et d'autres personnages, en essayant d'enfin dialoguer au lieu de faire bêtement couler le sang. Pour la première fois depuis le début de cette aventure les Yankees se positionnent en pacificateur en donnant une chance à Blueberry désinstaller une paix durable par le dialogue avec Cochise. Les peaux-rouges passants cette fois-ci pour les antagonistes à cause de Aigle-Solitaire qui veut cacher la vérité à son peuple pour son propre profit. Une virevolte scénaristique bien trouvée qui vient prendre à contre-pied le lecteur qui se passionne toujours plus pour ce conflit rondement écrit par Jean-Michel Charlier, qui ne prend pas ses lecteurs pour des buses. Une histoire moins explosive mais assurément prenante, assurée par les dessins de Jean Giraud qui offre une mise en page sublime avec de superbes paysages embellis par des plans vastes qui offrent un cadre magnifique du Far West sauvage. L'esthétisme autour des visages est toujours plus affiné avec des faciès toujours plus détaillés avec enfin du mieux autour des traits de Blueberry. Blueberry qui jusqu'à ce volume bénéficiait d'une irrégularité agaçante autour de son visage qui d'une case à l'autre n'était pas très ressemblant, et d'un volume à l'autre pratiquement différent (critique sur ce point précis que je fais également autour d'autres personnages). Ce n'est pas encore parfait, mais il y a du progrès !
Ce quatrième tome présente de nouveaux personnages plus ou moins importants mais assurément intéressant à suivre, à commencer par le vieux Jim Mac Clure, un prospecteur d'argent alcoolique qui à force de courir la frontière depuis 40 ans c'est admirablement bien intégré avec les Indiens qui l'ont surnommé : "Cou-de-cuir." Un personnage étrange et amusant à ne surtout pas sous-estimer car rusé. La relation qu'il établit avec Blueberry qu'il surnomme ''fils'' fonctionne bien. Le capitaine Finlay de l'armée des Sudistes qui depuis peu a rendu les armes avec la défaite du général Lee, est un nouveau venu que j'ai beaucoup apprécié. J'adore son allure et sa tronche avec un background intéressant. Si au départ il se présente comme un pourri ayant fui l'Amérique avec ses hommes pour se cacher dans le Mexique afin de ne pas être fait prisonnier dans les prisons nordistes, il va finalement montrer une autre figure de lui-même sous les supplications de Crowe en étant celui qui va changer la donne lors du final. Vient un nouvel antagoniste avec Pedro-Luiz Armendariz, gouverneur du Sonora qui fournit armes et chevaux aux Apaches en ayant pour objectif de reprendre le Texas aux Yankees en se servant des peaux-rouges, quitte à les trahir et à s'en débarrasser une fois la tâche accomplie. Une tâche fait pour augmenter sa popularité auprès du peuple mexicain car voulant devenir président de son pays. Armendariz est un personnage un peu caricatural qui n'a pas grand-chose à offrir sur le plan psychologique, mais qui sur le plan pratique amène une bouffée d'air frais en proposant une menace autre que celle des peaux-rouges.
Parmi les personnages connus on retrouve Crowe qui prend une place très importante dans le récit en devenant passionnant à suivre, lui qui appartient aux deux mondes en guerre dont il est le représentant génétique. Un personnage sacrificiel prêt à tout pour en finir avec cette lutte incessante quitte à porter le fardeau de tous sur ses épaules. Le lieutenant Craig est également de la partie dans une position difficile qui va le mettre à mal mais prouver sa vaillance. Le général Crook du fort Bayard est également de la partie, de même que Miss Dickson qui semble sous le charme de Craig. Quanah-n'a-qu'un-oeil dit Aigle Solitaire, se positionne définitivement comme l'antagoniste principal à abattre. Un adversaire de taille qui ne cesse de harceler Blueberry et sa bande. Bien qu'il ne soit pas à l'origine du conflit, il fait tout ce qui est en son pouvoir pour le maintenir et ainsi en finir une bonne fois pour toute avec les Yankees. L'indomptable et courageux Lieutenant Mike T. Blueberry prouve encore toute sa détermination et son courage à vouloir mettre un terme à ce conflit. On apprécie que dans ce quatrième volume il se fasse avoir plus d'une fois et que c'est grâce à ses amis qu'il réussit à s'en tirer. Ça l'humanise et le rend moins invulnérable face aux différents événements. Sa psychologie et sa morale font de ce soldat un personnage intéressant à suivre, avec cette mouvance qui l'empêche de rester silencieux, inactif et impassible quels que soient les événements, malgré cette légèreté qu'il porte sur lui. Un homme affublé d'une constante dualité entre son apparence rugueuse aux manières volages et un sentiment de justice lorsqu'il s'agit de sauver la veuve et l'orphelin. Un grand personnage à l'image de sa bande dessinée.
CONCLUSION :
BLUEBERRY : Le Cavalier perdu est un quatrième tome moins explosif que ses prédécesseurs mais néanmoins plus fouillé, avec une histoire qui prend enfin le temps d'exposer un peu plus son enjeu autour des personnages qui enrichissent ce cycle de cinq bandes-dessinées, qui donnent le départ d'une gigantesque saga. La lutte entre les Indiens et les Tuniques bleues se poursuit avec une issue qui semble enfin prendre forme pour Blueberry et sa bande. La lumière est-elle enfin au bout du tunnel ?
La réponse au prochain numéro !
- Ha ! Ha ! Ha ! Aigle-Solitaire avait bien dit à Nez-cassé qu'il aurait sa revanche !... Ha ! Ha !
- Bah !... Toi aussi rascal, tu finiras au bout d'une corde ! Et la seule chose qui m'ennuie, c'est que je ne serai pas là pour le voir !...