La Boîte à Bulles offre une nouvelle sortie au bel album de Nancy Peňa. Le chat du Kimono nous transporte du Japon médiéval au Londres du XIXe siècle, sur les traces d’un chat ensorcelé ! Laissez-vous envouter !
Quel étrange livre ! Le chat du Kimono débute par ce qui pourrait être un conte fantastique traditionnel japonais. Un tisseur de kimono est amoureux de la fille de son employeur. Or, la belle repousse ses avances. Furieux, l’artisan ensorcelle un somptueux vêtement rouge aux chats noirs. Un des félins s’enfuit…
Nancy Peňa ne s’attarde pas sur son récit cruel, mais nous transporte dans l’Angleterre victorienne, nous proposant des personnages familiers et, apparemment, indépendants. Nous découvrons la jeune Alice « du pays des merveilles » et sa famille, Sherlock Holmes et le bon docteur Watson, les chats de Toulouse-Lautrec et de Bonnard, et, plus surprenant, un marin bougon. Les différentes histoires sont reliées par les apparitions fantasques du chat du tisseur éconduit.
Le traitement de la partie japonaise reprend les codes graphiques des estampes nippones, avec des pleines pages, des illustrations et des textes côte à côte, des décors stylisés sans ombre, un encrage noir et rouge, de magnifiques poissons-chats et un majestueux chat noir.
Le dessin des histoires « occidentales » est plus classique : de petites cases, du noir et blanc, des personnages tout de rondeurs et de hachures, aux visages curieusement chiffonnés et peu expressifs. Si le trait et le découpage sont sans surprise, le sentiment d’étrangéité est lié à l’atmosphère. Quoique que brièvement brossés, les héros surprennent. Sherlock a vieilli et semble avoir abusé de la cocaïne, sa fabuleuse mémoire flanche. Alice a grandi et perdu de sa naïveté. Le marin a-t-il seulement rêvé ? Que font tous ces chats qui chahutent ? Le final est baroque, poétique et intelligent. Peut-être trop.