Ce tome contient une présentation complète, ne nécessitant pas de lecture préalable pour être comprise. Sa première édition date de 2023. L’exposé a été réalisé par le docteur Frédéric Fanget, médecin psychiatre, enseignant à l‘université de Lyon I, expert de l’anxiété, et Catherine Meyer, scénariste et éditrice dans le domaine de la psychologie depuis près de trente ans. Les dessins et les couleurs ont été réalisés par la bédéiste Pauline Aubry.
Chapitre 1. Avec la silhouette de Lyon en arrière-plan et une quinzaine de personnes debout, le docteur Frédéric Fanget se tient au premier plan et se présente face au lecteur : médecin psychiatre, depuis trente ans, il soigne toutes sortes de personnes souffrant d’anxiété. Il commence par donner quelques exemples : les grands anxieux qui se font des films (catastrophe) en permanence, les anxieux paniqueurs (dans les moments d’angoisse, ils ont l’impression qu’il va leur arriver quelque chose de grave, ils pensent qu’ils ne seront pas secourus ; d’autres déclenchent des crises d’angoisse sans raison, n’importe où, n’importe quand), des anxieux agoraphobes, ceux qui ont peur d’être seuls, les phobiques, les anxieux contrôlants, ceux qui ont une mauvaise estime de soi, les insécures, etc. Chapitre 2 : des clés pour comprendre. La mécanique du cerveau est complexe. Derrière tous ces visages (grand anxieux, paniqueuse, agoraphobe, anxieuse contrôlante), il y a cependant des mécanismes communs.
Le psychiatre commence d’abord par donner quelques clés pour aider à comprendre ce qui se passe. Les patients viennent le voir et lui demandent : est-ce qu’il peut les débarrasser de cette chose pas normale qui les fait souffrir ? L’anxiété, c’est normal, et c’est aussi très utile. S’il les débarrasse de l’anxiété, ils se feraient écraser sur la quatre-voies devant son cabinet. Tout est une question de réglage. L’anxiété, ça sert à se protéger, du danger comme une alarme qui prévient l’individu. Si le lecteur a besoin de lire cet ouvrage, c’est qu’il y a un problème. Le problème, c’est sans doute que le système d’alarme est déréglé. Exactement comme si l’alarme d’une maison se mettait en marche dès qu’une mouche vole. Alors qu’elle doit se mobiliser seulement en cas d’effraction d’un cambrioleur. Une mouche, ce n’est pas un danger. Sans compter qu’elle risque de déclencher l’alarme toutes les deux secondes. On a tous un système d’alarme intérieur. Le problème, c’est quand il se déclenche trop souvent et trop fort. Provoquant une anxiété disproportionnée qui prend toute la place. Une maladie de l’anticipation et de la rumination. Outre ce mécanisme biologique, il y a des facteurs psychologiques qui varient selon les cas. On peut vivre sa vie plusieurs fois. Avant : l’anxieux anticipe tout. Lorsqu’il a un rendez-vous médical, il imagine le pire. Pendant : l’anxieux continue à angoisser. Réaliser des examens confirme qu’il doit avoir quelque chose. Après : l’anxieux n’est toujours pas rassuré. Même après des bons résultats, l’anxieux recommence à être persuadé qu’il doit avoir une pathologie grave, voire très grave.
Le texte de la quatrième de couverture explicite la nature de l’ouvrage : Cette BD permet de dédramatiser et de comprendre en quoi consiste la thérapie de l’anxiété. Les auteurs ont construit un ouvrage en sept parties : Les visages de l’anxiété, les clés pour comprendre, les films de l’anxiété, les causes de l’anxiété, en thérapie, le club des anxieux, pour aller plus loin. La narration se présente sous la forme d’un exposé réalisé par un avatar dessiné du psychiatre. Dans chaque chapitre, il utilise des mises en situation, des exemples très concrets de la vie de tous les jours, ainsi que des exemples relevant d’une pathologie plus lourde. Dans le chapitre cinq, le plus long (quarante-quatre pages), il prend trois exemples fictifs : Ismaël petit anxieux, Mona paniqueuse, François souffrant d’un Trouble Anxieux Généralisé (TAG). Pour chacun d’entre eux il expose comment se manifeste leur anxiété, les faits concrets, ainsi que les conséquences dans la vie de tous les jours, puis l’analyse de la manifestation de l’emballement de cette alarme psychique, et les outils mis en place pour permettre au patient de reprendre le dessus, de vivre avec, de devenir capable de ramener les symptômes à un niveau vivable. Le psychiatre souligne qu’il explique essentiellement des méthodes relevant de thérapies cognitives et comportementales.
Il suffit au lecteur d’ouvrir l’ouvrage à une page au hasard, pour se faire une idée juste de type de bande dessinée dont il s’agit, et plus particulièrement du rôle de la narration visuelle. À l’évidence, il s’agit d’un exposé construit par un expert sur son domaine d’activité. De ce point de vue, la mise en images ne peut se concevoir que comme entièrement asservie au discours, c’est-à-dire venant l’illustrer. L’artiste ne recourt pas à des plans séquences ou à des prises de vue sophistiquées, mais il vient montrer ce que dit le texte, et beaucoup plus. Le lecteur voit rapidement qu’il ne s’agit pas d’un exposé sous format texte qui aurait été confié à une dessinatrice courageuse, et bonne chance à elle pour apporter des éléments supplémentaires sous forme visuelle. L’ouvrage a bien été conçu avec le principe d’utiliser les images pour montrer des choses supplémentaires par rapport au texte. C’est visible dès la deuxième page avec une série de six affiches de films catastrophes fictifs (Supercondriaque attention c’est psychosomatique, Métro le Koh-Lanta quotidien, Tunnel de la perte de contrôle, Panique attacks, Serez-vous prêts à affronter Le Supermarché, Survivre en réunion), une utilisation amusante des images.
L’artiste réalise des dessins avec des formes simplifiées afin d’éviter d’ajouter des sens non voulus, de rendre des personnages trop spécifiques au risque que le lecteur ne s’y reconnaisse pas, voire quand elle représente des personnes connues (Freddie Mercury ou Gloria Gaynor) il n’est pas certain que le lecteur les aurait reconnus s’ils n’avaient pas été nommés. Cette réserve mineure mise à part, elle fait preuve d’une grande inventivité pour montrer les situations et les principes développés par le psychiatre et la scénariste : outre les affiches de films fictifs, des schémas avec des flèches, l’anxiété sous la forme d’un spectre, des roues dentées pour un mécanisme, le détournement du tableau La liberté guidant le peuple (1830) d’Eugène Delacroix (1798-1863), des mats avec des panneaux de direction, des jeux sur les bordures de phylactère (avec petites fleurs, un fond de couleur, une forme différente), l’inclusion de tableau avec des colonnes de chiffres, des facsimilés de photographies, l’usage de métaphores visuelles, etc. Même si la majorité des pages présente des personnes en train de parler, le lecteur n’éprouve jamais de sensation d’uniformité ou de facilité.
En page quatorze, le psychiatre déclare que si le lecteur a besoin de lire ce livre, c’est qu’il y a un problème. Mais sur la page juste avant il indique que l’anxiété, c’est normal et qu’il vaut mieux être capable de la ressentir pour simplement survivre (l’exemple de percevoir le danger qu’il y a à traverser une quatre-voies). Quelle que soit sa situation personnelle, le lecteur peut trouver de l’intérêt à cet ouvrage. Outre une lecture plaisante grâce à des dessins vivants et portant leur part d’humour, il bénéficie d’un tour d’horizon qui dépasse un peu la simple vulgarisation. La dimension pédagogique apparaît en creux, quand le lecteur se rend compte que l’exposé apporte les réponses à ces interrogations : les différentes formes d’anxiété et d’anxieux, les critères pour déterminer quand l’anxiété relève de la pathologie, les différentes formes de techniques que le psychiatre propose à ses patients en fonction de leur situation personnelle. Le choix des exemples, depuis l’angoisse qui empêche de dormir un jeune étudiant à l’incapacité de prendre le métro du fait de crises d’angoisse, jusqu’à l’obsession de tout prévoir avant de se lancer dans quelque action que ce soit, même la décision la plus anodine.
Dans le chapitre suivant, le psychiatre montre concrètement les possibilités d’intervention pour Ismaël, puis Mona, puis François. Le réglage de la radio mentale du premier : repérer sa radio mentale, prendre conscience des conséquences néfastes de cette radio mentale, dire Stop à cette radio mentale, essayer d’être son meilleur ami, arrêter de lutter, ne pas rester seul avec sa radio mentale, essayer de vivre dans le moment présent. Pour Mona : qualifier la crise d’angoisse et l’hyperventilation, décatastropher les pensées, apprendre le contrôle respiratoire et corporel, affronter les manifestations physiques de l’angoisse, affronter les situations angoissantes. Pour François qui souffre de la forme la plus grave (TAG), le thérapeute choisit une des trois portes d’entrée : les émotions ou les pensées ou le comportement. Puis il propose un premier outil : un tableau à cinq colonnes, à savoir la situation, les émotions qu’elle génère, les pensées automatiques (générées par l’angoisse), les pensées alternatives (avec une prise de recul). Ainsi quelle que soit sa situation personnelle, le lecteur peut se situer par rapport à ces trois exemples, et repérer par lui-même s’il a recours de manière consciente (il a déjà construit des embryons de stratégie mentale) ou inconsciente (en s’inspirant de l’exemple du comportement de ses parents) à ces méthodes ou une variante. Le dernier chapitre se présente sous forme de texte et il développe plusieurs notions complémentaires. Que retenir de cette BD ? En savoir plus sur l’anxiété, une présentation de douze troubles anxieux différents. À partir de quel moment l’anxiété devient-elle pathologique ? Les médicaments : quand, quoi et quels sont les risques ? Comment choisir le bon psy ? Comment trouver le bon psy ? Les questions sur les psychothérapies.
Une bande dessinée de nature pédagogique pour comprendre et combattre l’anxiété. Les auteurs ont pris le parti classique de mettre en scène un avatar du sachant, un psychiatre, pour dispenser les explications au lecteur. La narration visuelle s’inscrit dans un registre avec des formes un peu simplifiées, et par la force des choses des personnages en train de parler. Le lecteur se rend vite compte que la narration visuelle s’avère beaucoup plus riche que juste des discussions, avec l’usage de nombreuses possibilités visuelles. L’exposé est à la fois très clair et très vivant grâce à l’étude de trois cas particuliers. Les auteurs expliquent les différents types d’anxiété, la frontière avec l’anxiété ordinaire et l’anxiété qui relève d’une pathologie, montrent trois possibilités d’intervention dans le registre de thérapies cognitives et comportementales, et répondent franchement aux questions directes comme le recours aux médicaments, ou le choix d’une thérapie et d’un thérapeute.