Pour la nouvelle aventure d’Okko et de ses compagnons, Hub la joue loin de l’eau et lance Le Cycle de la Terre. En guise de rapide introduction, une demie page rappelle le contexte historique et les nombreuses guerres qui déchirent l’Empire du Pajan, et le transforme en immenses champs de bataille inondés de sang, où gisent les cadavres desquels se repaissent les corbeaux. Entre les boues, les roches et Bakuyaku où échouent nos héros, la cité de la poudre noire et ses mines, Hub a pris soin de radicalement changer de décor pour ce nouveau cycle. Les personnages s’ancrent au sol à la poursuite de dangereux sorciers, mais le décor montagnard et enneigé trahit le fond du récit, qui concerne bien l’élévation spirituelle des personnages, le narrateur, Tikku, en tête.
Okko reçoit un message incomplet et alarmant d’un homme assassiné sous ses yeux. Après une poursuite entraînante et bien gérée, Noburo succombe momentanément à la sorcellerie de ses agresseurs, dont il a juste eu le temps de repérer le blason au corbeau, nos héros se mettent alors en quête d’un monastère où siègeraient ces corbeaux.
Le dessin est encore magnifique. Les décors sont riches, innovants et détaillés - la lamaserie accrochée à flanc de falaise est impressionnante et chaque monastère repose dans un décor particulier, a ses propres atours. Les personnages sont toujours aussi humains et réalistes. C’est toujours agréable à parcourir de bout en bout tant les ambiances sont réussies, et l’un des premiers plans sur Setzuka ravira tous les pervers : la jeune samouraï, nue, est superbe.
L’enrichissement du scénario passe par l’arrivée de nouveaux personnages, deux nouveaux guerriers solides et honnêtes qui se révèlent, ne gâchons pas notre plaisir, des femmes fortes de caractère. C’est certainement ce qui agrémente le mieux une intrigue encore un peu faible : de monastère en lamaserie, le groupe avance sans glaner d’information pertinente, et sorti de ce road-trip en montagne où l’humour le dispute à la castagne, la quête semble longtemps vaine. Jusqu’aux dernières pages où les sorciers reprennent leurs envoûtements, et lancent à l’attaque une armée de morts. Une séquence encore une fois bien construite qui vient confirmer l’art de la narration de Hub, tout comme l’accroche finale où Norubo reste en arrière s’occuper seul d’un démon : pas d’autre choix alors que de se jeter sur la fin de l’histoire.
Matthieu Marsan-Bacheré