Les éditions du Lombard, maison de référence d’une partie importante de la bande dessinée franco-belge classique, viennent de faire reparaître, dans un volume unique, "Le Cycle de Qâ", soit cinq albums suivis extraits de la série "Thorgal". Publié initialement entre 1985 et 1988, ce récit filant sur près de deux cent cinquante pages est une des pièces maîtresses de la série, laquelle compte à présent plus de trente épisodes, Rosinski s’étant depuis quelques années entouré de jeunes dessinateurs et scénaristes qui poursuivent son œuvre avec plus ou moins de bonheur. Nous y retrouvons, dans un Moyen-Âge fantasmé, les personnages de Thorgal le viking et de sa femme Aaricia qui vont être amenés, pour sauver leur fils, à partir pour le pays Qâ, qui ressemble fort à l’Amérique du Sud et dans lequel deux peuples évoquant les aztèques ou les incas bataillent sous les ordres de rois-sorciers descendus des étoiles… Une quête initiatique, l’exaltation des valeurs chevaleresques, une éthos de l’aventure, beaucoup de sensualité et même un soupçon de science-fiction. L’occasion également de faire apparaître un personnage qui deviendra central dans la série, la très vénale et très belle Kriss de Valnor, chasseuse de primes et séductrice sans scrupules, une des “méchantes” les plus réussies du neuvième art ! Car, si vous ne le saviez pas encore, vous découvrirez en lisant cette réédition que Rosinski fait preuve d’autant de talent pour dessiner les jolies femmes que les paysages ou les dragons de la mythologie scandinave…
Le trait foisonnant, à la fois réaliste et fantastique, de l’illustrateur d’origine polonaise, associé à la maîtrise d’un des plus grands scénaristes de la BD classique (l’auteur, notamment, des séries "XIII" et "Largo Winch") font de cet album un monument de l’heroïc fantasy, genre populaire qui se manifeste d’habitude davantage par la quantité de ses productions que par leur qualité. Tout, dans la structure du "Cycle de Qâ", évoque une lecture cinématographique, du découpage narratif aux choix visuels, et on imagine volontiers un Peter Jackson ou un Steven Spielberg adapter un jour cette saga spectaculaire qui semble avoir été conçue pour le grand écran. On regrettera l’absence d’une préface qui aurait pu être un complément idéal à cette réédition mais on appréciera la dizaine de pages qui clôt le volume et présente une série de croquis préparatoires, dont plusieurs inédits réalisés pour l’occasion.