Blake et Mortimer sacrifie au rite de la collection parallèle de one-shots, l’occasion d’un long voyage dans un Bruxelles inquiétant et déserté.
Fils et frère d’architectes renommés, François Schuiten est le bâtisseur des extraordinaires Cités Obscures. Son ami Benoît Peeters scénarise ces histoires fantastiques, voire surréalistes, qui sont autant de contes philosophiques brodant autour de la création artistique, de la recherche scientifique, de la solitude et de la différence. Schuiten y déploie un talent graphique qui excelle dans les froides bâtisses néoclassiques, les perspectives audacieuses, avec un égal souci des plans d’ensemble que des détails techniques, au détriment, parfois, de l’épaisseur de ses personnages. Par son travail sur les décors et les ombres, son dessin hachuré évoque celui d’Édouard Riou, l’illustrateur de Jules Verne.
Schuiten innove en nous offrant le premier one-shot consacré au professeur Mortimer, son alter ego, le capitaine Blake, demeurant en retrait. Siège d’une mystérieuse radiation, la ville de Bruxelles a été évacuée et interdite. Les grandes puissances s’inquiètent et menacent de la détruire. Le professeur est appelé à la rescousse et saute sur la cité. Il n’est pas au bout de ses surprises.
Nous découvrons un Mortimer vieilli et hanté par le souvenir de La Grande Pyramide. Il s’éloigne du canon d’Edgar P. Jacob et évoque physiquement Eugen Robick, l’urbatecte de la cité d’Urbicande, ou, intellectuellement, l’inventeur Axel Wappendorf, deux personnages majeurs des Cités Obscures. Pas moins de trois scénaristes, Thomas Gunzig, Jaco Van Dormael et François Schuiten, signent cette aventure qui mêle l’Égypte ancienne à nos angoisses contemporaines, la résolution surprendra, mais l’effort est méritoire et les vues de Bruxelles sous les eaux magnifiques.