Frederik Peeters est certainement l’un des auteurs de BD européennes les plus intéressants du moment. Depuis plus de 10 ans, il alterne les séries au long cours comme Koma et Lupus avec des one-shot moins ambitieux mais tout aussi marquant, comme Pachyderme et Château de sable. Avec Aâma, série débutée en 2011, il continue sur sa lancée et s’attaque au genre de la science-fiction, puisant autant du côté de Moebius que de Stanley Kubrick. Le troisième tome de cette série est sortie en novembre 2013, sous-titré Le désert des miroirs.
Scénario : Verloc Nim continue donc son périple accompagné de son frère Conrad et du fameux robot-singe Churchill à travers les méandres de la planète Ona(ji), à la recherche de l’entité Aâma. Leur quête prend d’ailleurs un tournant dès les premières pages de l’album, et le récit en profite par ailleurs pour affirmer son penchant surréaliste.
Dessin : Prolifique, Frederik Peeters étale là encore tout son talent de dessinateur sur les plus de quatre-vingt planches de l’album, réalisées en un an. Sa maestria pour la mise en scène et le découpage n’est plus à prouver, et il arrive toujours à trouver le bon cadrage pour des cases parfois centrées sur les personnages, d’autres fois centrées sur les décors luxuriants.
Pour : Pour s’attarder sur ces décors, leur omniprésence va crescendo en continuant sur la lancée des deux premiers albums, pour devenir de plus en plus denses et oppressants, tout en montrant leur dangerosité. Le paroxysme de ce sentiment d’oppression étant symbolisé par un tunnel de plus en plus étroit, le cauchemar des claustrophobes. Sensation garantie.
Contre : Avec ce troisième album, Frederik Peeters chamboule totalement la narration de sa série, avec des séquences surréalistes à la limite de l’abstrait, et des suppressions de personnages à foisons. L’effet de style est louable, mais au risque de déconcerter le lecteur et le faire décrocher de l’histoire.
Pour conclure : La série Aâma, prévue en cinq albums, marque une empreinte indélébile dans l’histoire de la BD, quoiqu’on en dise. La preuve, elle a reçu contre toute attente le prix de la série à Angoulême en 2013, prix décerné aux BD d’au moins trois albums, alors qu’à l’époque elle n’en était composée que de deux ! Néanmoins, vu la fin radicale de ce troisième épisode, on se demande bien comment l’auteur va faire continuer sa série encore deux albums…