Le faune dansant - Je suis Légion, tome 1 par Sejy
Encore une fois, mon libraire préféré m'aura forcé la main. Et il fallait qu'il insiste le gaillard pour vaincre mes a priori. Je ne la sentais pas du tout cette série, et ce, pour deux raisons. D'abord le graphisme. Ce style réaliste, presque photographique, je n'arriverais jamais à m'y faire. Je trouve les attitudes désespérément statiques. Comme je l'expliquais dans un autre avis, j'ai la sensation d'assister au jeu d'acteurs que l'absence de mouvement et d'émotions rend mauvais. Forcément, ça n'aide pas le récit. Ensuite, le sujet. Cette histoire de vampires capables de prendre le contrôle d'autres corps par la pensée ressemblait à s'y méprendre à L'échiquier du mal de Dan Simmons. Un roman que je n'ai jamais pu terminer. Et pourtant...
Le scénario m'a empoigné d'un bout à l'autre. Oh, pas par son originalité. En partant d'événements historiques réels (en l'occurrence 1942 et le basculement de la Seconde Guerre mondiale) puis en y ajoutant expérimentations nazies, espionnage, surnaturel et puissances occultes, Fabien Nury fait dans un certain classicisme et quelques autres s'y sont déjà essayés. Oui, mais alors, quelle construction ! La narration est en béton armé. On suit la trame à travers une multitude de personnages et autant de points de vue. Un espion allemand, un policier du contre-espionnage anglais, un résistant roumain, un général SS et encore beaucoup d'autres protagonistes dont les destins se croisent, s'entremêlent, mais finissent par s'emboîter immanquablement. Le découpage, d'inspiration cinématographique, est très efficace et induit un rythme remarquable qui alterne avec brio action, fantastique (voire horrifique), mystère, machinations ou dialogues soutenus. C'est très intelligent, quelquefois inventif, avec pour conséquence une histoire captivante qui se tient magnifiquement du début à la fin. Sans faille, on y croit à fond, épargné d'un folklore transylvanien un peu trop tentant et d'un manichéisme trop facile. À dire vrai, il n'y a pas de gentils propres sur eux. Toutefois attention ! Rien n'est gratuit. C'est très dense et il faudra rester concentré durant les trois tomes pour bien appréhender tous les tenants et aboutissants. Étonnamment, par l'intermédiaire de pseudo défauts (désolé, je n'y arrive toujours pas), le dessin nous appuie dans cette démarche. En effet, la similitude de certains traits dans les visages requiert quelques efforts pour distinguer les personnages. En cela, l'on demeure tout le temps à l'affût, et finalement toujours impliqué dans le récit.
J'ai adoré le scénario, mais je reste totalement hermétique à ce genre graphisme. Je me demande tout de même si j'aurais autant apprécié l'œuvre sous une plume moins réaliste. En tout cas, c'est à lire sans aucune hésitation.