Le féminisme est un sujet brûlant, toujours d’actualité car nécessaire.
Les livres dessus ne manquent pas, mais l’ambition pédagogique de La Petite bédéthèque des savoirs n’allait pas laisser passer le sujet. C’est Anne-Charlotte Husson qui a été choisie pour le fonds, elle a surtout écrit sur le féminisme et le genre, notamment via son blog Genre !. Pour les petits dessins, c’est Thomas Mathieu, surtout connu avec Juliette Boutant pour le blog BD Projet Crocodiles qui vise à dénoncer le harcèlement sexuel et les discriminations subies par les femmes.
Tous deux sont donc des militants de la cause féminine, mais ça ne devrait pas être une raison de lever les yeux au ciel si cela vous chagrine de lire ça. Au contraire, c’est même l’occasion d’en apprendre plus sur le sujet. L’ouvrage est bien pensé, il commence par une définition simple du féminisme, qui est la cause des femmes, mais reconnaît qu’il y a différentes façons de le concevoir. Comment s’y retrouver dans un tel livre de vulgarisation ?
« Les féministes disent souvent que la société n’écoute pas les femmes. Commençons par écouter les féministes et leurs revendications. » Et c’est ainsi que l’ouvrage est divisé en 6 citations ou slogans, correspondant à autant de thèmes. Quand d’autres livres de la collection sont parfois confus à force de vouloir trop en dire sans bien sectoriser leur contenu, celui-ci choisit de prendre le temps de faire plusieurs parties.
Avec cette citation d’Olympe de Gouges, « La femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit également avoir le droit de monter à l’échafaud », le chapitre s’intéresse à l’aspect politique du féminisme. Puis « Le privé est politique » évoque l’émancipation personnelle des femmes, avec notamment le cas de l’avortement. Le (triste) procès de Bobigny est rappelé. « On ne naît pas femme on le devient » de Simone de Beauvoir introduit la question du genre, sur ce qui est inné ou acquis, ou plutôt imposé ou demandé aux femmes. « White woman listen » est consacré aux différentes formes de féminisme, il n’est pas limité aux femmes blanches bien éduquées, d’autres questions apparaissent avec la notion de la couleur de peau. Dans « Nos désirs font désordre », il s’agit de sexualité féminine, et de comment elle s’est affirmée mais aussi comment elle est régie par un certain imaginaire. Pour « Le féminisme n’a jamais tué personne, le machisme tue tous les jours » de Benoîte Groult, le chapitre évoque toutes les formes de violences faites aux femmes, des plus insidieuses aux plus brutales.
Tous ces chapitres sont composés d’idées, de dates, d’exemples, avec parfois des personnalités féministes ou des cas connus de sexisme. Le tout est assez bien conceptualisé et très clair. Le ton n’est pas agressif, il est militant et informatif, il est calme mais revendicateur, parfois agacé ou révolté mais jamais dans la confrontation directe. Tout le monde n’est pas rangé dans le même sac (c’était d’ailleurs un des points les plus regrettables de Projet Crocodile). Mais certains méritent des baffes. En tout cas le tout est bien argumenté, bien présenté.
Un autre chapitre existe, « Ne me libère pas je m’en charge » qui recueille des témoignages de jeunes féministes pour exprimer ce qu’elles ressentent avec ce slogan. S’il s’agit de montrer que le féminisme est aussi une affaire d’individualités, le zoom sur le micro n’apporte rien de bien intéressant.
La charte graphique est assez plaisante. L’écriture en attaché des textes leur donne un côté plus humain, plus proche de nous. Le trait de Thomas Mathieu est assez iconographique, avec ses représentations simples, ses contours appuyés et ses couleurs appuyées. La composition des pages est bien remplie mais jamais trop remplie, ce qui en fait un ouvrage dont on sent une certaine chaleur en ouvrant n’importe quel entre-deux pages, malgré la dureté de certains exemples. Le tout est assez vivant, et très entraînant.
A noter que des notes et un glossaire complètent cet ouvrage, ce qui est bien rare dans cette collection, mais qui témoigne de la volonté des auteurs d’expliquer au mieux ce que représente le féminisme.
Revendicateur mais jamais clivant, militant mais pas agaçant, le livre de Anne-Charlotte Husson et Thomas Mathieu est une belle petite réussite. Ce féminisme pour les nuls qui offre l’essentiel de ce qu’il y a à savoir, le tout avec une mise en forme attractive. Ce bel exemple rappelle à quel point la bande dessinée documentaire peut nous aider à mieux comprendre le monde et que la Petite Bédéthèque des savoirs est un bon outil pour ça.
La Petite Critiquothèque de La Petite Bédéthèque des savoirs :
- Volume 1 : L'Intelligence artificielle par Marion Montaigne et Jean-Noël Lafargue
- Volume 5 : Le Droit d'auteur par Fabrice Neaud et Emmanuel Pierrat
- Volume 9 : L'Artiste contemporain par Benoît Feroumont et Nathalie Heinich
- Volume 11: Le Féminisme par Anne-Charlotte Husson et Thomas Mathieu
- Volume 14 : Le Minimalisme par Christian Rosset et Jochen Gerner
Etc.