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Ce tome comprend les épisodes 1 à 3 de la minisérie du même nom (en 2007), ainsi que l'épisode spécial Potter's field : stone cold (en 2009), soit l'intégralité des épisodes parus.


La première page frappe très fort : un homme est en train de suffoquer sous les yeux du lecteur, étouffé par un sac en plastic serré autour de sa gorge, les cases de texte indiquent qu'il s'agit d'une mule (un passeur de drogues) qui souhaitait arrêter. Il est enterré dans un cimetière orné de plaques tombales sans nom, uniquement avec des numéros. Il ne s'agit pas d'une fosse commune, mais de tombes individuelles de morts non identifiés. Le texte apprend au lecteur que ce cimetière accueille 125 cadavres par semaine, dont deux tiers de nouveaux nés ou de morts nés. Un homme s'est fixé pour mission d'identifier ces individus, un par un ; il se fait appeler John Doe (le nom générique donné aux individus dont on ne connaît par l'identité) et porte tout le temps des lunettes de soleil. Il n'hésite pas à recourir à la violence pour arriver à ses fins, mais ce n'est pas un justicier. Il n'a pas de pulsion le poussant à redresser les torts. Durant ces 4 épisodes, John Doe rétablit l'identité d'autant personnes : (1) une jeune femme de race caucasienne, entre 20 et 25 ans, décédée d'une chute d'un immeuble, suicide probable, (2) une jeune dame qui vient demander l'aide de John Doe suite à la mort de sa sœur, (3) un homme lié au milieu de la pègre, et (4) une série de cadavres défigurés aux empreintes digitales effacées.


Boom! Studios est une maison d'édition de comics fondé en 2005 dont Mark Waid a été le responsable éditorial en chef de 2007 à 2010. Il a également créé plusieurs séries pour cet éditeur dont 3 en 2009 : Irrécupérable (avec Peter Krause), Incorruptible (en VO avec Jean Diaz)et The Unknown (en VO, avec Minck Oosterveer). Ce tome commence par une introduction dithyrambique de Greg Rucka sur le travail effectué par Mark Waid et Paul Azaceta (illustrations). Il est vrai que la scène de départ est exemplaire. Le lecteur est plongé dans le mystère, l'horreur de la violence et l'injustice de ces tombes sans nom. Les dessins d'Azaceta sont sombres à souhait, tout en restant lisible. Waid utilise les dialogues et les commentaires avec parcimonie. Azaceta s'attache aux éléments principaux sans sacrifier les décors. L'ambiance de polar noir et urbain est très réussie.


Passé les 5 premières pages, le doute s'insinue. Il est visible que Waid n'en dira pas beaucoup sur John Doe qui porte bien son nom : pas de passé, pas de présent si ce n'est son occupation, pas de personnalité, juste un deus ex machina qui sert à résoudre des énigmes. Effectivement John Doe se limite à ça et ses méthodes de travail avec coups et blessures cumulent un autre poncif du genre : le réseau d'informateurs serviables parce qu'ils doivent beaucoup au héros. Sauf que Waid est un grand professionnel et qu'il a concocté des points de départ très intrigants qui évite à l'histoire de se cantonner à des clichés des romans noirs. Le lecteur est mené par le bout du nez par le scénariste qui déroule des trames d'enquêtes dont les évolutions surprennent à chaque fois. Il y a bien le cliché du dur à cuire résistant, avec un coup d'avance sur les entourloupes des criminels, sauf que l'absence de voix intérieure de John Doe évite qu'il s'apparente au détective privé à qui on ne la fait pas. Il y a bien à un moment une femme fatale, sauf que ses relations avec le héros sortent des clichés habituels. Il y a bien des bagarres, mais elle ne dégénère pas en affrontements surhumains, avec un héros résistant à un niveau de douleur impossible. Il y a bien des scènes d'action, mais le spectaculaire ne prend jamais le dessus sur la narration.


Ce dernier point repose sur les illustrations en retenue d'Azaceta qui n'est pas là pour l'esbroufe. Il s'est mis au service du récit avec un encrage fortement appuyé qui convient à merveille à ces histoires. Les illustrations disposent d'un bon niveau de détails qui établissent chaque lieu de manière crédible et réaliste qu'il s'agisse d'une morgue, d'une pièce où un individu a été détenu pendant plusieurs années, d'un appartement, d'un bureau d'un caïd, ou de ce fameux cimetière. Les scènes d'action sont vraiment remarquables par leur efficacité, par l'agencement des cases et les points de vue qui racontent à eux seuls l'histoire lors des scènes muettes. La première se trouve dans le premier épisode quand John Doe inspecte un appartement à la lueur d'une torche électrique : mise en scène simple et terriblement suggestive, avec une ambiance pesante et tendue incroyable. Le quatrième épisode comprend une course poursuite dans un grand hall de gare en passant par d'immenses escalators à couper le souffle. Cette lecture procure un vrai plaisir visuel, sans tomber dans la démonstration ou le m'as-tu-vu.


Mark Waid et Paul Azaceta proposent un récit bien noir (certains crimes sont sordides et immondes) avec une forme de retenue dans la narration qui augmente l'impact du récit. Le lecteur pourra éventuellement se sentir frustré de l'absence d'informations sur John Doe, et de la brièveté de ces aventures.

Presence
10
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le 8 avr. 2021

Critique lue 57 fois

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