Ce tome est le premier d'une série consacrée à l'organisation Chekcmate, et il rassemble la première moitié des épisodes écrits par Greg Rucka. Il comprend les épisodes 1 à 12, initialement parus en 2006/2007, tous écrits ou coécrits par Greg Rucka. Il a écrit seul les épisodes 1 à 5, 8 à 10. Les épisodes 6, 7, 11 et 12 ont été coécrits avec Nunzo DeFilippis et Christina Weir. Jesus Saiz a dessiné les épisodes 1, 2, 4, 5, 8, 9 et 10. Cliff Richards a dessiné les épisodes 3, 6, 7 et 12. L'épisode 11 a été dessiné par Steve Scott. Les événements dans cette série se déroulent après INFINITE CRISIS tome 4 (2005/2006) de Geoff Johns & Phil Jimenez. Pour bien comprendre les références à des événements passés, il vaut mieux avoir lu The Omac Project (2005, dans INFINITE CRISIS tome 1) par Greg Rucka & Jesus Saiz. La suite et fin des épisodes (co)écrits par Greg Rucka sont rassemblés dans CHECKMATE Tome 2 qui contient les épisodes 13 à 25, ainsi que les épisodes 47 à 49 de la série Outsiders écrite par Judd Winick.


Sur une petite île à l'Est de la Somalie, un groupe de trois plongeurs sous-marins débarque clandestinement. Il s'agit de Sasha Bordeaux (Black Queen), Beatriz DaCosta (Knight du roi noir) et Jonah McCarthy (Knight de la Reine Noir). Ils sont en mission d'infiltration sur une île de l'organisation secrète Cobra, pour trouver l'origine d'un trafic de cyclosarine. Pendant ce temps-là le conseil de sécurité de l'ONU se prépare à voter pour ou contre le maintien de l'existence de Checkmate, la résolution 1802. La République Populaire de Chine ayant voté contre, Checkmate doit être dissoute dans les jours à venir. Il appartient aux Rois et Reines, blanc et noir de trouver comment retourner le vote de la Chine, en mettant en œuvre les autres pièces : Mister Terrific (Michael Holt), King Faraday, Count Vertigo, Taleb Beni Khalid-Isr, Shen Li Po et Thomas Jagger. L'enquête emmène les opérationnels de terrain jusque dans la province du Hebei, dans l'est de la Chine.


Au cours des missions suivantes, l'organisation Checkmate doit choisir son nouveau Roi Blanc, recruter un nouveau Pion. Puis un escadron clandestin trié sur le volet doit s'introduire dans le pays Myanmar pour y récupérer un méta-humain détenu contre son gré et utilisé comme source d'énergie. L'équipe se compose de Icicle (Cameron Mahkent), Javelin, Jewelee, Mirror Master (Evan McCullough), Plastique, Punch (Clyde Phillips), Tattooed Man (Abel Tarrant). Étrangement, le commandement de Checkmate ne semble pas avoir autorisé cette opération, ni savoir que ces gugusses sont impliqués dans une quelconque mission. À Détroit, 4 individus (Tye McMillan, Emmet Burke, Lucas Terrel et Bebe) essayent d'acheter des armes d'un groupe néo-fasciste. Tout ne se passe pas comme prévu, mais ils s'en sortent haut la main. Ce sont des agents de Kobra, ou plutôt des individus essayant de se faire remarquer par l'organisation Kobra pour l'intégrer. Mais ils se font serrer par la DMA lors de leur action suivante. Or parmi eux se trouve l'agent 502 que Checkmate essaye d'infiltrer dans Kobra. Enfin, Beatriz DaCosta et Tommy Jagger son envoyés sur Santa Prisca pour exfiltrer le colonel Computron avant qu'il ne soit exécuté par Bane pour avoir trafiqué les élections.


Il est un peu difficile de se replonger dans la continuité de l'époque et de comprendre ce qui se passe, ou plutôt de s'impliquer vraiment dans les personnages. Greg Rucka reprend les rênes de l'organisation Checkmate qu'il avait utilisée pendant Omac Project et il joue le jeu de développer une série d'espionnage dans l'univers partagé DC. Par la force des choses, il inclut quelques superhéros, et des personnages emblématiques des couloirs du pouvoir à Washington. Il étoffe cette organisation en en faisant une émanation de l'ONU, devant répondre au Conseil de Sécurité, et donc subir les manœuvres de politique internationales de ses différents états membres. Une fois passé le premier récit, cette dimension n’apparaît plus, ce que ne regrette pas le lecteur, tellement il reste de choses à expliquer, d'éléments à exposer à chaque mission. Par contre le scénariste conserve la dimension politique des interventions de Checkmate dont les équipes interviennent de par le monde. Sur ce plan-là, Rucka s'en tire bien avec la mission en République Populaire de Chine, dans un pays sud-américain fictif ou encore sur l'île de Santa Prisca. Il sait mettre en jeu les intérêts contraires de la justice internationale, et les intérêts économiques de quelques pays à commencer par les États-Unis.


Le scénariste a développé un mode de fonctionnement de Checkmate permettant d'assurer une forme de contre-pouvoir à plusieurs niveaux en son sein, avec une équipe de blanc et une équipe de noir devant se mettre d'accord sur la stratégie à adopter pour chaque mission. La contrepartie de ce dispositif est que le lecteur a droit à une présentation de chaque équipe au début de chaque mission, avec les titres issus des pièces aux échecs, ce qui s'avère vite fastidieux, encore plus quand ils sont rappelés sur le terrain. D'autant qu'au final, les personnages pourraient utiliser leur vrai nom, cela ne changerait rien au fond et allégerait la narration. Avec ses 2 coscénaristes, il fait également bien ressortir la tentation de chaque meneur au sein d'un équipe de mettre en œuvre ses propres plans pour satisfaire ses objectifs, car il n'y a pas toujours consensus. Il sait aussi bien faire apparaître la surreprésentation des États-Unis au sein de Checkmate et les tensions que cela crée avec les autres états membres. Il réussit ainsi à transformer une faiblesse (la surreprésentation des superhéros américains), en une force pour l'intrigue.


Au cours de ces 6 missions (entre 1 et 4 épisodes chacune), le lecteur suit donc des agents avec lesquels il n'a pas vraiment le temps de développer une forme d'empathie. Soit il en connaît déjà et il retrouve leur trait de caractère principal, soit il n'en connaît aucun et il ne peut pas vraiment s'attacher à l'un ou l'autre. Sasha Bordeaux est une femme d'action impressionnante, avec un caractère froid et trempé, mais cela ne suffit pas pour en faire une personne. Amanda Waller n'a rien perdu de son caractère manipulateur et de ses capacités stratégiques, le lecteur peut l'admirer pour cela, mais elle n'en devient pas non plus un être humain complexe. Un lecteur chevronné de l'univers DC peut apprécier de découvrir une nouvelle version du Suicide Squad qui doit beaucoup à celle de John Ostrander (voir Archives de la Suicide Squad Tome 1 (Les)). Mais il s'agit du temps d'une mission, et les auteurs n'ont pas non plus le temps de développer la personnalité des membres de l'Escouade Suicide.


Les auteurs réussissent à trouver un bon équilibre entre espionnage et superhéros. Ces derniers sont surtout utilisés pour leurs pouvoirs pendant les opérations de terrain. Il leur faut quand même rapidement écarter Alan Scott, trop puissant et un peu ridicule avec son bandeau sur l'œil. Ils arrivent à donner un rôle aux personnages sans superpouvoirs, sans qu'ils ne soient réduits au rôle de chair à canon ou d'otages. Ils parviennent même à faire intervenir le groupe Shadowpact dont les membres utilisent la magie, sans qu'ils ne soient ridicules dans une histoire d'espionnage. Checkmate affronte à plusieurs reprises l'organisation criminelle Kobra, secte malfaisante prête à l'emploi, sans réel objectif clair (si ce n'est celui de la domination du monde), sans beaucoup d'intérêt. Les missions se suivent et sont de nature différente à chaque fois, toujours rendues pesantes par les négociations envahissantes qui se déroulent en parallèle de l'intervention terrain. À chaque fois, le dessinateur doit représenter des discussions de couloir pendant une ou plusieurs pages, dépourvues d'intérêt visuel, et très plates dans leur déroulement.


La mise en images des scénarios est assurée essentiellement par 2 artistes : Jesus Saiz et Cliff Richards. Le premier effectue des détourages plus précis, avec une approche réaliste à la fois pour les personnages et pour les décors. Néanmoins, il n'arrive pas à trouver des solutions élégantes pour les passages d'exposition, se retrouvant à représenter servilement les discussions, sans pouvoir leur donner un rythme correct. Il s'affranchit assez rapidement de représenter les arrière-plans dans ces moments-là, ainsi que pendant les combats. Le degré d'immersion s'avère donc fluctuant, entre des affrontements bénéficiant d'un plan de prise de vue bien construit, et des moments plus pesants. Il en va de même pour les épisodes réalisés par Cliff Richards, avec des dessins moins méticuleux, un peu plus organiques, et souvent moins détaillés, donc avec un degré d'immersion plus faible que ceux de Saiz.


Ce tome permet de découvrir une phase complexe dans la vie de l'organisation de sécurité internationale Checkmate. Greg Rucka a su la développer de manière à se distinguer complètement du SHIELD (l'organisation de référence de Marvel, en la matière) avec un mode de fonctionnement logique et cohérent. Il a su également trouver le bon équilibre entre les personnages humains et ceux dotés de superpouvoirs, et un hommage très réussi au Suicide Squad. Les intrigues intègrent bien la dimension politique des opérations, et les dissensions au sein de l'équipe, même si celles-ci sont trop systématiques. Les dessins permettent de bien suivre les récits, mais sans réussir à y apporter le souffle d'espionnage ou la dimension spectaculaire attendue. Si les histoires sont bien construites, elles se succèdent sans donner l'impression de construire la série sur le long terme, en utilisant trop facilement l'organisation fantoche Kobra, sans réelle épaisseur des personnages.

Presence
6
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le 14 mars 2020

Critique lue 108 fois

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