Toujours au moyen de son flou presque impressionniste, sacrifiant le réalisme des couleurs et des contours aux effets de luminosité, Christian de Metter achève ici le parcours du curé et du Docteur Jarowski. A l’exagération manifeste des contrastes lumineux et des couleurs, qui ne ratent pas une occasion d’endeuiller l’atmosphère par le recours à des bruns sombres, répond l’exagération des déchirements intérieurs des personnages. Ici, le jeune curé perd de son image de perfection un peu froide qu’il nous présentait dans le Tome 1. Travaillé jusqu’à la torture par la confidence vénéneuse que le Docteur Jarowski lui a communiquée en confession, le curé entre en crise, et se trouve prêt non seulement à transgresser le secret de la confession, mais à s’alléger des devoirs de son état de prêtre, dont les implications sont à l’évidence trop lourdes à porter.
Exagération, dans la mesure où le curé surréagit anormalement au secret délicat qui lui a été confié. On ne devient pas prêtre – et confesseur – sans avoir été dûment prévenu que le rôle de directeur de conscience vous exposait à en apprendre de vertes et de pas mûres, et qu’il faut même dans ces cas-là tenir ferme la barre et ne pas s’écarter des voies de sa mission. Mais voilà, notre curé tombe – physiquement – malade à cause de ce secret, et commence à avoir un comportement incohérent. Il craque. D’où la question : pourquoi ce type est-il devenu prêtre ? En fonction de quelles considérations a-t-il choisi un rôle social qui lui convient assez peu, en dépit de ses airs léchés de bon élève (planches 22 à 27) ?
Le scénario pourrait céder à la facilité en faisant se croiser les destinées du Docteur et du curé d’un tome à l’autre : le bon devenant le salaud, et vice-versa. On verra que cet écueil a été évité, mais au prix d’un enfoncement dans une boue assez noire. Christian de Metter n’est pas un rigolo. L’introduction d’un personnage féminin, médiateur-révélateur dans le drame à deux que vivent le prêtre et le Docteur, ouvrait évidemment une porte de sortie facile : le curé s’entiche de la fille (planche 12), se défroque, et va filer le parfait amour sous des cieux moins déprimants. On verra que, là aussi, les scénaristes ont choisi une option moins passe-partout.
Christian de Metter opte pour des blancs crus, apposés en bandes hésitantes et inhomogènes, pour mieux souligner les surfaces ensoleillées en contraste avec les opacités indistinctes des bruns-noirs représentant les ombres. Planche 1, si la première vignette réussit à bien à nous communiquer le sentiment de la chaleur sur les murs et les parties éclairées du sol, la dernière recourt cavalièrement à des tracés très fins dans la chevelure blanche du Docteur pour en suggérer les reliefs, par ailleurs maculés de bruns clairs pour les zones d’ombre. Planche 8, les coureurs cyclistes sont à peine esquissés. Planches 16 et 17, beaux changements progressifs dans les expressions faciales de Clara.
Au-delà des questionnements déchirants posés par le curé, on appréciera la saveur de quelques répliques : les réflexions impertinentes des assistants aux obsèques de Madame de Bourg (planche 3) ; celles du bon peuple assistant à la course cycliste (planches 7 et 8).
Le drame intérieur du prêtre satisfera quelques amateurs de tragédies intimes. Mais, comme c’est souvent le cas avec les récits de Christian de Metter, on ne lira pas cet album pour se remonter le moral...