« Immortalité, foutaises »
Un vieux loup de mer très, très, très méchant, et qui déblatère du Shakespeare en chatouillant des squales, avec moi, il y a blocage. Est-ce le style cuir-moustache qui ne passe pas ? La petite boucle d’oreille et les dents soigneusement détartrées de ce pirate trop propret ? Aucune idée. Mais ce qui est certain, c’est que ça ne passe pas.
Rajoutez un critique endimanché qui aurait dû être jeté par-dessus bord dès les premiers jours, une improbable bourgeoise en pleine mer, et des pirates tous plus moches et indifférenciés les uns que les autres, plus un affrontement tiède entre deux frères ennemis, sans un gramme de rythme. Bref, côté scénario, on aime ou on n’aime pas ... et je suis du deuxième bord.
Heureusement, il y a le dessin ! Franchement époustouflant dès les premières pages, avec son alternance chromatique à chaque chapitre, ses styles variés pour évoquer l’ombre ou la nuit, et ses gueules de pirates coupées au couteau. Des pontons battus par la pluie, une mer paisible sous les étoiles, les cauchemars de Loup Larsen et les rêves de Hump : Riff Reb’s réussit tout, sans aucun accroc.
Le seul regret, c’est que la prouesse graphique s’essouffle en deuxième partie : 128 planches, c’est long, et revoir la même alternance de couleurs toutes les trois pages finit par lasser. A partir de la chasse aux phoques, le dessin tourne à vide, et il atteint le zéro absolu sur l’île déserte. Les planches finales sont sans éclat.
Bilan, un travail correct. Mais on est encore loin de Hugo Pratt adaptant R.L. Stevenson ...