La quête des quatre gosses dans le monde parallèle se poursuit, avec ce qu'il faut de monstres, de paysages variés, et, pour la première fois, une confrontation à la mort de l'un d'entre eux. L'éducation des jeunes lecteurs se doit de montrer des réalités peu souriantes.
L'humour n'est pas absent (il faut parois faire caca, planches 12 et 13), et les personnages commencent à être bien creusés, avec les sautes d'humeur des uns et l'insolite maturité des autres. La culture des gosses est celle de l'école primaire (trafic de figurines de personnages d'aventures - planche 5), mais, comme les choses évoluent vite, certains aspects de cette culture ont tendance à être déjà ringards. Passe encore pour le Manuel des Castors Juniors, pas encore trop démodé (planche 12), mais les Pokémons et les Gremlins (planche 13) évoquent clairement une autre génération.
L'aspect intellectuel n'est pas négligé (décrypter des signes mystérieux, planche 19), ce qui donne aux gringalets de la bande l'occasion de se mettre en valeur face aux costauds.
Beaucoup de scènes nocturnes (forcément, les monstres viennent surtout la nuit (planche 24) - métaphore transparente des terreurs nocturnes, si fréquentes chez les enfants - mais certains adultes ne sont pas très rassurés non plus). Un monstre diurne toutefois : cette tortue-scorpion-crabe à tête de mort (planche 17), aussi avenante qu'un car de Gendarmerie ou un jury d'Agrégation.
Les scènes de jour bénéficient de couleurs lumineuses et allègres qui permettent de communier avec des paysages souvent séduisants. Bannister nous offre une belle muraille fortifiée, style Palais des Papes d'Avignon, dès la première vignette, avec ce qu'il faut d'écrasement vertical en contre-plongée pour restituer la vision enfantine d'un monde gigantesque. Dans le reste de l'album, les décors naturels sont souvent simplifiés (pas de raffinements de reliefs, de ravinements, de dénivelés sur les montagnes), et leur naïveté parfois idéale est en résonance avec les visions tendres et simplificatrices de l'enfance (planche 21). Assez belle perspective sur un village indigène littoral (planche 10). Planche 21, belle vignette de type japonais, avec promontoire et pin japonais aux formes torturées.
Le récit s'achève sur une "normalisation" de la situation des enfants, mais Nykko a bien pris soin de semer des jalons énigmatiques, centrés autour de la petite noire Rebecca (planches 11, 12, 25, 44) pour nous ménager un second cycle d'aventures.
A lire avec des yeux d'écoliers...