Voilà un titre qui ne met pas beaucoup de temps à convaincre. Sa capacité à incarner un univers à la fois bien connu et original fait tout de suite mouche. Ce premier tome prend parfaitement le temps de présenter ses différents personnages. En tête, bien entendu, le fameux Undertaker, Jonas Crow, croque-mort de son état qui fait le job comme personne si on le paye en dollars ou en steak. Un type qui bosse dans ce secteur en pleine croissance dans l'Ouest américain, forcément, c'est un cynique. Et il l'est avec ses petites phrases acérées et ses pastiches de sermons à se tordre. Heureusement, d'ailleurs, car sinon le titre serait bien sombre. Avec son humour qui lui est propre, son vautour comme animal de compagnie, l'homme se révèle aussi très rapidement particulièrement dangereux, que ce soit avec un flingue ou avec ses poings. Assurément, pas un enfant de choeur. Deux personnages féminins prennent peu à peu place autour de lui. D'un côté, mademoiselle Lin renoue impeccablement avec ces personnages d'autrefois, gouvernante asiatique solide, courageuse et pince-sans-rire. De l'autre, la belle Rose, une autre gouvernante dont l'image oscille bigote et putain. Face à eux, différents sales types propres au genre.


Sous ses aspects parfois glauques, voilà un titre réjouissant qui pratique l'humour noir avec efficacité mais qui sait surtout conduire un récit avec talent. Si certains trouveront peut-être cette ouverture un peu longue à décoller, la mise en place de l'ensemble me parait personnellement parfaite. Cela évite tout élément caricatural qui viendrait gâcher un si joli potentiel. Les personnages gagnent ainsi à s'épaissir de page en page et à rendre l'histoire plus prenante. Qui sont vraiment les uns et les autres et, conséquence immédiate de cette indécision, comment vont-ils réagir face à telle ou telle situation? C'est le prix de la patience à payer pour apprécier un récit qui, même en jouant la carte de l'efficacité, n'oublie pas de nourrir ses mystères. Ainsi, lorsque l'action enfin s'engage, tous les ingrédients sont réunis pour rendre le récit vraiment palpitant. La traque qui s'opère sous nos yeux entre le trio nouvellement formé, par ailleurs lesté de son cadavre rempli d'or, et des habitants de la ville est des plus savoureuses.


À cette profondeur psychologique des différents personnages qu'on ne demande qu'à connaître mieux s'ajoute un graphisme tout à fait soigné. Le dessin est rigoureux, aussi bien pour définir ses personnages que pour planter des décors même s'ils sont parfois rudimentaires, et les couleurs châtoyantes apportent une évidente plus-value à l'atmosphère. La couverture annonce d'ailleurs la qualité de l'entreprise. Sombre, violente, voire nihiliste par endroits, cette saga s'ouvre sous les meilleurs auspices. Le premier tome, malin en diable, se referme sur de superbes planches, en pleine nuit, sous la pluie, aux abords d'un précipice. Un coup de feu éclate et laisse le lecteur suspendu à ce dernier rebondissement. Voilà, bien évidemment, qui pousse à se jeter sur le deuxième épisode qui viendra refermer un premier dyptique. Tout n'y est pas parfait mais le résultat ne manque pas d'ingrédients ayant un goût de reviens-y vite. À très bientôt évidemment pour la suite...

Play-It-Again-Seb
7

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le 9 juil. 2022

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