On ne peut pas dire que Jacobs n'ait pas pris un risque... pardon... deux risques considérables pour l'histoire de cet album. Le premier, c'est que Blake n'apparaît que très peu, quelques cases au début, quelques cases à la fin. Le second, c'est l'absence complète du grand antagoniste Olrik, du jamais-vu.
Là, il y avait de quoi se prendre un gadin monumental. Résultat des courses, je suis au regret de dire que c'est... le meilleur opus de la série que j'ai lu jusque-là (partant du principe que je le fais dans l'ordre chronologique !) et il a de très bonnes chances de le rester.
Oui, tout au long du récit, on ne va pour ainsi dire que suivre Mortimer et ne pratiquement que le voir avec des personnages qui n'étaient pas apparus auparavant. J'emploie l’adverbe "pratiquement" pour la raison que celui qui piège notre héros n'est autre que ce cher savant fou, Miloch, qui était un des grands antagonistes des précédentes aventures du duo, l'aussi excellent que méconnu S.O.S. Météores (Jacobs a dû tellement kiffer l'Île-de-France dans lequel ce dernier se déroule entièrement qu'on y reste encore pour Le Piège diabolique !).
Miloch est mort au moment où se passe l'action, mais il se venge d'une manière posthume, son ombre démoniaque planant sans cesse à travers sa voix enregistrée et ses ruses programmées, en envoyant Mortimer se perdre dans les périodes les plus dangereuses du temps.
Le piège est évident, gros comme une maison et pourtant Mortimer, être courageux, fort et ayant des connaissances scientifiques et historiques absolument remarquables, se laisse avoir comme la dernière des andouilles. Ce qui est totalement logique quand on a lu les BD antérieures. Il ne faut pas oublier Mortimer peut être très con dans son impulsivité, donnant ainsi, bien involontairement, un sérieux coup de pouce aux méchants. Cela avait déjà été mis plusieurs fois en avant. Tout le contraire de Blake qui est un être plus réfléchi.
Autrement, l'auteur nous montre à nouveau qu'il était une véritable encyclopédie en vingt volumes ambulante à travers une érudition absolument bluffante, quelle que soit l'époque dans laquelle atterrit notre malheureux protagoniste.
Conséquence, en bonne partie grâce à cela, la richesse visuelle est au rendez-vous, plus impressionnante que jamais, avec une superbe mention pour le décor apocalyptique du métro dans le futur.
Quant au scénario, il sait souvent faire preuve d'une très grande intelligence qui ne manque pas d'agréablement surprendre à chaque fois (même si Jacobs était loin d'être le dernier dans le domaine !), surtout à partir de l'instant où Mortimer voyage dans le futur. Pour ce qui est du rythme, pas le plus petit temps mort (d'ailleurs, la vitesse doit être intensifiée par le fait que bien qu'il s'agisse d'une BD à quatre bandes par page, de très nombreuses cases s'étendant sur la taille de deux en hauteur, on a la fausse impression qu'on en a seulement trois !).
Loin pourtant de manquer habituellement d'ambition, jamais Jacobs n'avait fait preuve d'autant d'audace. Et cela lui a parfaitement réussi. C'est un sommet tout simplement.