Metal G.A.G Solid

A la fin des années cinquante, Franquin croule sous le travail!
Il est responsables de la série Spirou, de Gaston Lagaffe, il s'occupe de l'habillage du journal, parfois des couvertures, et il s'est en plus engagé avec le rival historique du journal de Tintin à livrer chaque semaine un gag pour la série Modeste et Ponpon suite à une brouille qui n'a pas duré avec les éditions Dupuis. De plus Spirou parait également en France dans le Parisien Libéré, et le journal a demandé que ce soit des histoires originales.

Franquin doit donc s'organiser, et il loue un appartement qui servira de studio à son équipe, constituée de Jidéhem et de Roba. Le papa de Boule et Bill lui donnera un coup de main pour les récits paraissant dans Parisien Libéré, c'est à dire Tembo Tabou (également avec Greg), Spirou et les Hommes-bulles, et les Petits Formats et qui sortiront bien plus tard en album chez Dupuis.
Même comme ça, le rythme de travail soutenu rend tout très compliqué et il en parle à son ami Greg qui lui propose de lui filer un coup de main en lui écrivant un gag par semaine pour la série Modeste et Ponpon.
De fil en aiguille, Greg va se mettre à collaborer plus souvent avec Franquin, y compris sur les aventures de Spirou et Fantasio. Leur collaboration entrainera sans doute les meilleurs albums de l'ère Franquin.
Mais, cette collaboration n'est pas simple pour Greg qui se rend compte qu'on ne travaille pas avec Franquin en lui envoyant vingt pages de scénario et en espérant que la BD illustre sagement les vingt pages en question.
Les quatre premières pages sont sensiblement les mêmes, mais par la suite, Franquin modifie et ajoute tant d'éléments qu'il faut tout réécrire. La création d'un album avec Franquin est un processus organique parfois difficile tant André fait parfois feu de tout bois, mais Greg finit par s'habituer à cette écriture à quatre mains avec le succès qu'on connaît.

Franquin et Greg collaboreront donc sur six récits: Le Prisonnier du Bouddha, Tembo Tabou, La peur au bout du fil (dont j'ai déjà parlé dans le billet sur Le Voyageur du mésozoïque), Z comme Zorglub, L'Ombre du Z, et QRN sur Bretzelburg.

Lors de leur première collaboration pour l'album qui nous occupe, Greg revient à de la grande aventure dans laquelle Spirou et Fantasio redeviennent les éléments centraux de l'histoire comparé aux deux albums précédents dans lesquels Franquin leur avait donné un rôle plus subalterne (il essaye aussi de limiter les interventions intempestives du marsupilami dans le récit, même s'il a avoué avoir du ruser pour cela) .
Le Prisonnier du Bouddha est donc un récit d'espionnage qui se concentre sur un nouvel objet capable de contrôler la gravité( Le G.A.G) créé par un savant russe et son ami américain qui pourrait être utilisé pour faire une arme de destruction massive, si bien que le savant et son ami ont décidé de garder leur invention secrète. Malheureusement l'américain a été capturé et est retenu prisonnier. Nos deux héros vont se porter à son secours afin de le retrouver avant qu'on lui arrache les secrets de cette étrange procédé.

L'album sera rempli d'action, de gags visuels profitant des opportunités offertes par l'étrange appareil modificateur de gravité, et on trouve bien sûr entre ses pages un discours pacifiste et antimilitariste se moquant gentiment du fameux équilibre de la terreur de la guerre froide, cette époque durant laquelle chaque humain s'attendait à tout moment à une guerre nucléaire à grande échelle entre le bloc Est et Ouest.
Cette opposition entre deux blocs est ici reprise sans pour autant nommer les protagonistes, ce qui rend l'album assez intemporel.

Le prisonnier du Bouddha est donc un récit d'espionnage, d'infiltration, de sauvetage, faisant la part belle autant à la grande aventure que ne renierait pas James Bond ou Solid Snake qu'au nombreux gags qui émaillent l'album.
Cet album injecte une vitalité nouvelle aux aventures de Spirou et Fantasio et marque le début d'une collaboration qui donnera à la série sous l'ère Franquin certains de ses albums les plus marquants et les plus réussis.