On arrête les frais ici...
Ary et Alexandre cherchent toujours leur rouleau égaré, et ils se font régulièrement contrer par des maniaques de la baston et / ou du crucifiement. Ca commence à traîner. Alors, comme il faut bien introduire des variations sur cette basse obstinée, le scénariste recourt à divers artifices.
D’abord, les érudits que visitent les deux copains. Ils tombent sur l’Anglais Thomas Almond, un solitaire un peu cinglé qui obtint des visions mystiques en consommant un champignon hallucinogène, l’Amanita Muscaria (l’Amanite Tue-Mouches, effectivement utilisées dans certaines civilisations pour obtenir des visions et des communications avec l’au-delà local ; on veut même qu’il ait un rapport avec le Soma du Rig-Veda, que j’ai été amené à connaître...).
Si le délire mystique se limitait à un zozo pareil, passe encore. Mais Ary s’y met. On le découvre de plus en plus juif rigoriste au fil de l’épisode, et il dit deux fois « Je suis Cohen » (titre sacerdotal juif impliquant des interdits), en particulier pour refuser une relation amoureuse avec une non-juive, ou pour prononcer le nom de Jésus. Un peu intégriste quand même, le mec. Pire, il prend à son compte la tradition essénienne du combat des «Fils de la Lumière » contre les « Fils des Ténèbres ». Bien sûr, lui, il se situe du côté des « Fils de la Lumière ».
L’attirance qu’éprouve Ary pour les champignons d’Almond est liée à sa pratique de la Deveqout hassidique, sorte d’union mystique avec le Transcendant, obtenue entre autres grâce à une forme de danse sacrée. Tout ce qu’il tire de sa came-party, c’est de visualiser Almond en Diable tentateur. Moyennement cohérent.
Les spéculations d’Ary au sujet du christianisme ne brillent pas par leur originalité : Jésus a-t-il existé ? A-t-il nourri une complicité mystique avec Judas ? Bien éventé, tout ça. Pas de quoi susciter chez le lecteur quelque effroi mystique.
Ary se fait crucifier à son tour. Pour de faux, hein, pas de blague, sinon l’album n’aurait que 22 pages. Mais on ne voit nullement pourquoi on l’épargne, lui et pas les autres. D’autant que, sympa ou pas, il lui arrive (page 29) de paraître plus délirant que son copain Alexandre, en semblant croire que l’enjeu de leur quête est de « regarder Dieu en face ». Il n’a jamais été question d’un truc pareil. D’où le sort-il subitement ? Pour le coup, Alexandre le remet à sa place, et avec raison.
Le Père Millet, autre érudit, semble savoir que le manuscrit disparu contenait quelque chose de spécial, mais, justement, il a promis de ne rien en dire. Ca piétine.
Bon, il y a des filles (jolies) qui débarquent dans l’histoire. Il faut bien introduire quelque allusion au rouleau Qumrânien des « Pièges de la Femme », qui existe vraiment. Jane Rogers, ravissante représentante de la « Biblical Archeological Review », organise un colloque auquel Pierre Miquel promet de venir et de faire des révélations... Mais la dite Jane n’est pas si claire que ça...
Un peu trop de choses s’entassent dans cette histoire fumeuse, qui n’avance guère. Et je signale que, depuis le début du tome 1, Ary est censé être le narrateur de ces aventures, qu’il écrit en hébreu, prisonnier dans une grotte de Qumrân ; or, il n’a nullement été question des évènements qui le retiennent prisonnier, et, à mon avis, on n’en saura pas plus.
Pourquoi ? Parce que cet épisode est le dernier paru de la série, et il date de 2005. Depuis huit ans, les auteurs ont dû conclure que la série était si ratée qu’il n’était même pas besoin de la mener à son terme...